Quel avenir pour l’agriculture africaine ? – Les AfricaDays d’HEC Paris

Mise à jour le 4 avril 2018


Quel avenir pour l’agriculture africaine ? – Les AfricaDays d’HEC Paris


Ce mardi 3 avril, la CPCCAF assistait à l’édition 2018 des AfricaDays sur le campus de HEC Paris. Cet évènement, organisé à l’initiative de Othman Ayouche, Fadel Bennani et Simo Lemhandez, trois étudiants d’HEC et co-fondateurs du think tank The Seed Project, a été l’occasion d’aborder le devenir agricole de l’Afrique ainsi que les enjeux de ce secteur qui emploie plus de 65% de la population du continent, tout en ne produisant que 35% de son PIB.

Afin de mieux identifier les grands défis auxquels sont confrontés les acteurs de l’agri-business à chaque étape de la chaîne de valeur, ces trois étudiants se sont rendus sur le terrain pour mieux comprendre le vécu et la réalité des petits exploitants agricoles dans plusieurs pays d’Afrique francophone et anglophone. Leurs observations et rencontres leur ont permis d’identifier quatre grandes difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs, qui sont  l’accès aux intrants, aux ressources et aux équipements ; l’accès aux marchés ; l’accès à l’information et au savoir-faire ; ainsi que l’accès au financement. Ils se sont par la suite rendus sur d’autres continents en quête de solutions innovantes qui pourraient constituer des solutions aux défis préalablement identifiés lors de leurs recherches en Afrique. Au terme de ce tour du monde, leur conclusion est claire : pour surmonter ces quatre grands défis et poursuivre la valorisation du secteur agricole en Afrique,  la clé réside dans la transparence de l’information entre tous les acteurs de la chaîne de valeur, depuis les producteurs jusqu’aux exportateurs, en passant par les logisticiens et les transformateurs.


Christian Kamayou, Fondateur de MyAfricanStartup, est venu présenter lors de ces 
AfricaDays son Palmarès annuel des 100 start-ups africaines innovantes. Parmi elles, un certain nombre d’entreprises du domaine agricole proposent des solutions innovantes pour résoudre les problèmes fondamentaux rencontrés dans leur secteur d’activité, en se focalisant sur quatre objectifs :

► Augmenter la productivité et le rendement, un enjeu majeur étant donné la croissance démographique très dynamique du continent ;
► Faciliter l’accès au financement, pour permettre aux agriculteurs d’acheter leurs engrais et leurs intrants, condition sine qua non pour que l’activité agricole existe ;
► Fournir des assurances qui permettent de garantir aux agriculteurs des revenus récurrents et stables, même en cas d’intempérie ou de catastrophe naturelle ou sanitaire ;
► Améliorer la gestion de l’offre et de la demande, en aidant les agriculteurs à fixer le juste prix de vente pour leur produit à un instant T.


Esoko
, une start-up ghanéenne du Palmarès 2017 de C. Kamayou, propose de lutter contre cette asymétrie d’information en permettant aux producteurs de recevoir par SMS les cours des matières premières, les aidant ainsi à vendre au juste prix. Plus de 70% de la population africaine dispose d’un téléphone portable, et est en mesure de recevoir et d’envoyer des SMS — c’est bien plus que le taux d’accès à l’eau potable ou à l’électricité. En rendant l’information disponible par le biais du téléphone mobile, Esoko permet de rétablir un rapport de force favorable aux agriculteurs, même dans les contrées les plus reculées, où le savoir-faire est plus difficile d’accès. 
FarmDrive, une application ghanéenne fondée en 2014, permet de faciliter l’accès au crédit bancaire pour les petits exploitants agricoles en les mettant en relation avec les banques partenaires et en les aidant à trouver les meilleurs taux, grâce à un algorithme d’évaluation du risque et de credit-rating. La start-up Tech-Innov, fondée à Niamey au Niger, permet grâce à un système de télé-irrigation par drones d’aider les agriculteurs à évaluer les besoins en eau de leurs terres pour les irriguer de la façon la plus efficace et optimale possible, tout en évitant le gaspillage et en améliorant leurs rendements. En dernier lieu, le fondateur de MyAfricanStartup a évoqué les activités de Twiga Foods, une plateforme de « marketplace » qui permet aux exploitants agricoles de se passer d’intermédiaires en vendant directement leurs produits au consommateur final, grâce à un système de livraison par tuk-tuk. Cette initiative, qui permet de mieux rémunérer les agriculteurs et de proposer un prix plus intéressant au consommateur, présente l’avantage d’améliorer la traçabilité des produits tout en luttant contre les asymétries d’information qui pénalisent généralement les acteurs en bout de chaîne.

Ces différents portraits de jeunes start-ups prometteuses et nées sur le continent africain ont permis de mettre en évidence les enjeux de la technologie pour le secteur agricole, mais aussi de montrer le talent et l’ingéniosité des jeunes entrepreneurs du continent, qui proposent des solutions innovantes, pratiques et déjà applicables, pour relever les défis qui se posent à eux.

La suite de ce séminaire AfricaDays a été consacrée au rôle du digital pour le développement de l’agriculture africaine.

Bruno Mettling, PDG d’Orange Afrique, a d’abord évoqué la responsabilisation d’Orange dans la diffusion de l’information pour aider les acteurs des filières agricoles, en envoyant aux paysans des bulletins météorologiques par SMS, ou encore aux éleveurs de bétail des informations sur la concentration de cheptels pour leur permettre un meilleur aménagement des terres et une meilleure répartition des troupeaux. Une augmentation de 17% des rendements a pu être constatée simplement grâce à la diffusion de ce type d’informations par SMS. Il a également évoqué les activités d’Orange Money et son rôle joué dans la distribution des aides gouvernementales aux filières agricoles, qui, grâce à des transactions sécurisées, permettent aux agriculteurs d’accéder plus efficacement et plus directement aux subventions auxquelles ils ont droit. 

Henriette Gomis-Billon, Secrétaire générale de la Fondation Sifca, grand groupe ivoirien spécialisé dans le domaine agro-industriel (filières du sucre, caoutchouc, huile de palme) a présenté les activités du groupe Sifca et son modèle innovant de structuration des filières agricoles. Ces filières, centrées autour de communautés locales structurées en « unités agricoles intégrées » mettent l’innovation au cœur de leurs activités quotidiennes pour améliorer la productivité et les rendements. L’utilisation du GPS, des satellites et des drones permet d’optimiser la culture des terres, tandis que la communication par SMS avec les planteurs permet une transmission plus rapide et efficace de l’information. Comme l’a justement souligné Pierre-Yves Pouliquen, Directeur général de Suez Afrique, la « poubelle » africaine est composée à 60% de déchets organiques. Les innovations du secteur de l’énergie, en permettant de valoriser la matière organique, sont donc aussi d’une importance capitale pour les filières agricoles sur le continent africain. Preuve en est, le groupe Sifca, en transformant les déchets de palmiers et d’hévéas en énergie biomasse, parvient à alimenter 100% de ses usines en énergie renouvelable.

Pour terminer, Jean-Luc François, Directeur du département Transition écologique et gestion des ressources naturelles à l’AFD et Thierry Blandinières, Directeur général InVivo, sont revenus sur les chantiers prioritaires auxquels l’agriculture africaine doit répondre de façon urgente. L’une de ces priorités sera de repenser les écosystèmes pour initier une restructuration complète des filières agricoles, qui permette de maximiser la valeur ajoutée. Certaines filières, à cause du manque d’organisation des processus logistiques, subissent des pertes qui vont jusqu’à 50%, depuis l’après-récolte jusqu’à la vente finale ou l’exportation — ce qui rend en soi inutile toute tentative d’augmentation de la productivité et des rendements. Si l’agriculture 2.0 est bel et bien en marche sur le continent africain, elle doit surtout être envisagée dans une vision d’ensemble qui prenne en compte chaque maillon de la chaîne de valeur agroalimentaire pour parvenir à une restructuration qui, à la fin, profite à tous. 

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