Mounir Mouakhar, Président CPCCAF : « La Francophonie peut et doit jouer un rôle important dans le développement économique de l’Afrique » (AfricaPresse)

Mise à jour le 23 mars 2020


Alors que la crise sanitaire menace de s’étendre à l’Afrique, la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF) s’attachera à tout faire pour renforcer l’espace économique africain francophone. Tour d’horizon de ses actions et projets avec son Président, Mounir Mouakhar, lors de son récent séjour de travail à Paris. Entretien exclusif.



Si l’évolution de la pandémie le permet, l’année 2020 verra plusieurs grands événements consacrés à l’Afrique, notamment le Sommet Afrique-France, initialement prévu en juin à Bordeaux, et le Sommet du 50e anniversaire de la Francophonie, qui est annoncé en décembre à Tunis. De quelle manière la CPCCAF prévoit-elle d’y participer ?

Mounir Mouakhar – La CPCCAF entend prendre sa part aux grands événements dédiés au développement du Continent africain, à commencer par le sommet Afrique-France, initialement prévu en juin à Bordeaux. Nous serons ainsi présents sur un stand à la Cité des solutions, qui, à côté du sommet des officiels, sera le grand salon consacré aux projets, ainsi qu’aux savoir-faire pour la ville et les territoires durables. Nous veillerons alors à y mettre en valeur les opportunités foisonnantes de nos pays d’Afrique francophone.

Aussi, en amont de ce grand rendez-vous, la CPCCAF a organisera la XIVe édition des Ateliers de la coopération consulaire, qui seront aussi centrés sur les discussions liées à la mise en oeuvre des différents programmes d’action adoptés par notre Assemblée générale – la prochaine AG de la CPCCAF étant normalement programmée pour les 12 et 13 novembre, à Bamako.

Au mois de décembre, la CPCCAF devra également être présente au Forum de la francophonie économique, qui sera organisé à Tunis, au lendemain du Sommet de la Francophonie, uniquement réservé aux chefs d’Etat et de gouvernement. Dans ce cadre, seront abordées des questions importantes comme celles relatives au développement du numérique et des nouvelles technologies dans les pays africains francophones.

Nous sommes en effet conscients que de nombreux progrès restent à accomplir dans ces domaines : l’Afrique, dans sa globalité, ne représente en effet aujourd’hui que 1,7 % de la valeur mondiale des mégadonnées (data), qui s’élevait à 7 000 milliards de dollars en 2018. La marge de progression est donc énorme pour le Continent africain, comme d’ailleurs pour l’Europe.

La CPCCAF espère donc, cette année, pouvoir mettre en lumière les richesses de l’espace africain francophone et, pour cela, elle continue résolument à oeuvrer pour le développement de son potentiel économique.

Justement… quelles sont les initiatives propres à la CPCCAF pour développer le potentiel économique des pays africains francophones ?

Mounir Mouakhar – Avec le programme ARCHIPELAGO – qui est intégralement financé par la Commission européenne, dans le cadre du Fonds fiduciaire d’Urgence de l’Union européenne pour les migrations – nous travaillons à améliorer l’employabilité des jeunes, en contribuant, dans douze pays africains du Sahel et de la région du lac Tchad, au développement de capacités de formation professionnelle et entrepreneuriale.

Aussi, pour pallier le déficit en matière d’accès à l’information économique sur le Continent, la CCI de Tunis a développé la plateforme électronique Africa Trading par le biais de laquelle, la CPCCAF cherche à valoriser les formidables opportunités qui existent dans les pays africains francophones. Par ailleurs, nous prévoyons de lancer bientôt la plateforme Franco-Fil qui servira utilement à connecter les entrepreneurs et opérateurs économiques francophones.

Nous savons bien que beaucoup de choses restent encore à accomplir, particulièrement autour de ces questions d’employabilité des jeunes et de développement de l’entrepreneuriat. Pour cela, la CPCCAF compte redynamiser la relation francophone, car elle est convaincue que la Francophonie peut – et doit – jouer un rôle important dans le développement économique de l’Afrique.

Lors de votre déplacement à Paris, vous avez rencontré plusieurs partenaires de la CPCCAF, notamment le Fonds d’investissement d’impact I&P et le le Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN). Quelles coopérations envisagez-vous de développer avec eux ?

Mounir Mouakhar – La CPCCAF cherche toujours à être en synergie avec les différentes structures qui travaillent sur l’Afrique, avec l’Afrique. L’idée, c’est en effet d’établir des axes de coopération, sur un ensemble de thèmes, afin d’œuvrer collectivement au développement de l’économie francophone.

Concernant notre programme Archipelago, un fonds à impact comme I&P peut intervenir dans le financement des 20 projets de formation professionnelle et entrepreneuriale qui verront le jour, afin de compléter les 15 millions d’euros déjà octroyés par la Commission européenne pour les services mis en oeuvre.

Par ailleurs, avec I&P et le CIAN, nous ambitionnons de bâtir un nouveau programme Archipelago, au diapason des nouvelles orientations stratégiques de la Commission européenne, qui sont le climat, le numérique et la sécurité. Nous comptons présenter ce nouveau programme en octobre, à Bruxelles, à l’occasion du Business Forum qui se fera pendant le prochain sommet Union européenne-Union africaine.

Quelles préconisations formuleriez-vous à l’adresse des pouvoirs publics pour que l’espace économique francophone – qui représente 16 % du PIB mondial – se développe davantage ?

Mounir Mouakhar – Il faut que les pouvoirs publics apportent un soutien plus net à la CPCCAF, de même qu’aux structures qui composent notre réseau de coopération, qui sont soumises à de très fortes contraintes financières et également logistiques.

Nous rappelons en effet que le secteur privé a un rôle économique et sociétal important à jouer dans l’espace africain francophone – notamment sur les questions liées à l’employabilité des jeunes, à l’égalité homme/femme ou encore au numérique… qui reposent sur les entreprises et les structures qui les accompagnent, mais pour lesquelles le soutien moral et financier des responsables politiques est indispensable. Ainsi, alors même que les anglophones sont très actifs sur le Continent africain, nous devons veiller à unir nos forces et faire bloc autour de la francophonie.

Pour terminer, un mot sur la Tunisie, votre pays… où l’on observe que nombre d’opérateurs économiques semblent « redécouvrir » l’Afrique. Votre perception de ce renouveau d’intérêt ?

Mounir Mouakhar – La Tunisie ne s’est jamais défaite de l’Afrique et a, depuis longtemps, une politique africaine. Les Tunisiens sont Africains et le demeureront toujours. Par ailleurs, historiquement, c’est la Tunisie – qu’autrefois on appelait en arabe « Ifriqiya » – qui a donné son nom au Continent.

Aujourd’hui, de nombreux hommes d’affaires tunisiens sont disséminés en Afrique et disposent de connaissances solides sur le marché africain. Notre secteur privé y est bien implanté… mais il nous paraît important d’établir à l’avenir une coopération triangulaire Afrique-Tunisie-France. Car nous avons la conviction que cette association serait bénéfique pour les trois parties et contribuerait à faire prospérer le Continent.

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