Joël FOURNY, CMA France : « La transmission des savoir-faire entre pairs du Nord et du Sud doit être une partie essentielle » de la coopération avec l’Afrique

Mise à jour le 18 mars 2021

Joël FOURNY, CMA France :

« La transmission des savoir-faire entre pairs du Nord

et du Sud doit être une partie essentielle »

de la coopération avec l’Afrique


Source Africapresse.paris

Au moment où le gouvernement français vient de décider de rassembler les équipes et les compétences du Groupe AFD et d’Expertise France pour donner naissance à la Team France Développement, Joël FOURNY, Président de CMA France, dresse ici les perspectives nouvelles de coopération avec l’Afrique que cette décision pourrait ouvrir pour l’artisanat.


À la tête du réseau français des Chambres de métiers et de l’artisanat, CMA France a mis en place, depuis plus de deux décennies, un dispositif innovant de coopération pour le développement dont les bénéficiaires principaux ont été, d’abord, les artisans et les petites entreprises artisanales de l’ensemble des pays africains et francophones (Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et, dans l’Océan indien, Madagascar) ; ensuite, leurs corps intermédiaires de représentation et d’appui (chambres consulaires, organisations professionnelles, groupements et coopératives) ; enfin, les autorités nationales et panafricaines en charge du secteur de l’artisanat et de la formation professionnelle (UEMOA, BAD, Ministères des PME, de l’artisanat, de la formation et l’enseignement technique…).

La CPCCAF vient de publier un Manifeste (lire ICI) en faveur de la coopération consulaire pour l’Afrique. Quelle est la position de CMA France sur cette prise de position ? Qu’est-ce qui a motivé le réseau des CMA à y adhérer ?

Joël FOURNY – CMA France est membre de la CPCCAF depuis des nombreuses années et, au cours de notre actuelle mandature, nous avons fait venir à la CPCCAF une dizaine de CMA régionales et départementales afin de renforcer le poids de l’artisanat et du secteur des métiers dans les projets de coopération franco-africains. Notre force de proposition est aujourd’hui reconnue et la CPCCAF a pu, avec notre contribution, porter des projets chaque fois plus ambitieux et complexes.

Les projets de compagnonnage consulaire, financés par l’AFD, et, plus récemment, les projets d’insertion par le biais de la formation professionnelle, mis en œuvre dans le cadre du programme européen Archipelago, en sont une parfaite illustration. Ils ont été inspirés, soutenus et mis en œuvre par les CMA membres de la CPCCAF, associées bien entendu aux autres réseaux consulaires membres de l’organisation.

Dans ces conditions, il nous a paru naturel et évident de nous associer à l’élaboration du Manifeste de la CPCCAF en faveur de la coopération consulaire et de plaider avec force et conviction pour une prise en compte plus systématique de notre modèle de coopération consulaire et des expertises en matière d’apprentissage, de formation et d’accompagnement des entreprises que nous mettons à la disposition de nos partenaires africains.

Le gouvernement a décidé d’articuler les équipes de l’AFD et d’Expertise France au sein de la Team France Développement, que pensez-vous de cette initiative ? Constitue-t-elle une valeur ajoutée pour les projets de coopération de votre réseau en Afrique ?

Joël FOURNY – Cette initiative est très positive et elle sera certainement fructueuse si elle réussit à assembler une équipe vraiment représentative de l’ensemble d’expertises et de compétences que la France peut mobiliser en direction des acteurs économiques et institutionnels qui jouent un rôle dans les dynamiques de croissance inclusive et de développement durable, en Afrique et ailleurs.

Pour ce qui nous concerne, il nous paraît essentiel que les projets portés par la Team France Développement puissent bénéficier des expertises diverses, riches et complémentaires des artisans français, de leurs compagnons et apprentis, ainsi que de celles des formateurs, cadres et élus du réseau des CMA.

Plus globalement, nous faisons le pari que l’impact de la Team France Développement sera d’autant plus fort et pérenne qu’elle aura été capable d’intégrer l’apport des trois réseaux consulaires français, constitutifs de la CPCCAF : APCA pour l’agriculture, CCI France pour le commerce et l’industrie, et CMA France pour le secteur des métiers et de l’artisanat.

Le Ministre Jean-Yves Le Drian souhaite donner un nouvel élan à la politique de développement solidaire de la France. Quelles sont les propositions de CMA France à cet égard ?

Joël FOURNY – Trois thèmes évoqués par le Manifeste de la CPCCAF sont à cet égard d’une importance capitale et ils devraient constituer l’orientation centrale d’une nouvelle politique de développement solidaire, si l’on veut qu’elle soit efficace, inclusive et durable.

D’abord, une très grande priorité doit être donnée au renforcement des compétences locales, techniques, commerciales, entrepreneuriales bien sûr, mais aussi institutionnelles. Ensuite, la transmission des savoir-faire entre pairs du Nord et du Sud doit en être une partie essentielle, que ce soit entre artisans, agriculteurs, chefs d’entreprise ou encore entre collectivités territoriales, corps intermédiaires ou des institutions publiques.

Enfin, il faudra promouvoir la responsabilisation et l’autonomisation des équipes locales dans le cadre d’un modèle de coopération fondé davantage sur le partage d’expertises et d’expériences que dans la prescription de solutions clé en main.

Il s’agit en somme d’imprégner la politique de développement solidaire de la France de la notion et de la pratique du compagnonnage (artisanal, entrepreneurial, consulaire…), dans une démarche de co-construction d’initiatives adaptées aux réalités de terrain et de fertilisation croisée entre les acteurs français et africains de la coopération pour le développement.

Le réseau des CMA a également adopté en 2019 un Manifeste en faveur de la coopération consulaire et francophone : quel en est le contenu ? Comment avez-vous avancé sur ce point ?

Joël FOURNY – Nous avons toujours considéré qu’en tant qu’établissements publics d’État, les chambres de métiers et de l’artisanat devaient participer au rayonnement de la France à l’étranger.
À ce titre, les chambres de métiers et de l’artisanat veulent contribuer à la diffusion de ce modèle économique spécifique qu’est celui de l’artisanat, fondé sur la proximité, le savoir-faire et la qualité de ses produits et ses services.

Les chambres de métiers et de l’artisanat sont ainsi, naturellement, des ambassadrices de notre pays, de sa culture et de son histoire. Résolument tournées vers l’avenir, elles sont porteuses également d’un message d’ouverture, de compétences, de qualité et de solidarité, qui participe au rayonnement de notre pays.
Le Manifeste des CMA en faveur de la coopération préconise donc la recherche d’un cadre de vie apaisé et durable, d’une civilisation de responsabilité individuelle et collective, au travers de la solidarité, qui est nécessairement l’une des valeurs défendues par l’artisanat. Elle s’exprime sur le plan du métier, car la pratique de ce dernier crée des fraternités professionnelles particulièrement fortes, actives et fécondantes.

Par le canal du métier, elle véhicule d’autres valeurs fondamentales, constitutives d’un socle social et d’un pacte entre ceux qui les partagent. La transmission des savoirs, élément déterminant dans l’acte d’apprentissage, s’effectue auprès des jeunes générations ; elle doit également trouver un mode d’expression auprès de ceux qui, au-delà des frontières, pratiquent le même métier. C’est notre conviction et notre engagement.

Grâce à ce Manifeste, notre modèle de coopération est davantage connu, la transmission des savoirs et des savoir-faire techniques et technologiques, ainsi que l’appui aux créateurs d’entreprise dans l’artisanat, ont pris une place essentielle dans les stratégies de développement de nos partenaires et participent à l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes et de femmes chefs d’entreprise, dotés d’un plus grand professionnalisme et d’une plus forte culture de la qualité, conditions indispensables pour accéder aux marchés les plus porteurs et à plus forte valeur ajoutée.

Le programme ACTIF Gabon de CMA France et les projets ARCHIPELAGO de la CMA Finistère et de la CMA Vienne au Sénégal, de la CMA Pays de la Loire au Mali, et de la CMA Rhône au Burkina Faso, sont les témoignages les plus concrets de l’impulsion donnée à nos projets et initiatives par l’adoption de ce Manifeste et sa diffusion auprès de multiples partenaires et bailleurs de fonds.

Propos recueillis par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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