Sénégal : l’élimination des mouches tsé-tsé va doper l’élevage

Mise à jour le 19 février 2019

Les mouches tsé-tsé ont été éliminées dans toute une région du Sénégal. Ces insectes sont vecteurs de maladies touchant les hommes, mais aussi les bovins, à tel point qu’elles représentent le principal obstacle au développement de l’élevage en Afrique subsaharienne. Leur élimination, dans une zone définie de la région des Niayes, a été rendue possible après plusieurs étapes grâce à des lâchers de mâles stériles. Cette victoire a été annoncée officiellement par le président de la République sénégalais lors d’une cérémonie le 8 décembre 2018. Elle est le fruit d’une longue collaboration entre le Cirad, l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), les services vétérinaires sénégalais, le ministère de l’Agriculture du Sénégal et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).


Dans la zone côtière des Niayes au Sénégal, la production de viande et de lait devrait largement s’accroître dans les années à venir. Une aubaine pour cette région qui accueille 80 % des Sénégalais. Ce succès est dû à l’élimination de la fameuse mouche tsé-tsé et a été annoncé officiellement samedi 8 décembre 2018 par Macky Sall, président de la République du Sénégal. Une cérémonie à laquelle est invité le Cirad qui a pris part à ces actions déterminantes pour l’élevage du pays aux côtés de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), des services vétérinaires sénégalais, du ministère de l’Agriculture du Sénégal et de la division conjointe FAO-AIEA des techniques nucléaires pour l’agriculture et l’alimentation.

Un frein au développement de l’élevage

La mouche tsé-tsé, appelée aussi glossine, peut transmettre des maladies parasitaires : les trypanosomoses. Chez l’homme, cela se traduit par la « maladie du sommeil » qui peut se révéler mortelle en l’absence de traitement. Chez les bovins, l’infection provoque une baisse de la fertilité, une perte de poids et parfois la mort. Les glossines limitent considérablement l’intensification de l’élevage dans toute l’Afrique subsaharienne, comme au Sénégal, où 80 % du lait consommé est importé.

Les étapes de l’élimination

La zone ciblée par les actions de l’élimination couvre 1000 km² dans la région des Niayes. Au préalable, il a fallu démontrer l’isolement génétique de la population de glossines et cartographier finement leur présence. Un travail incontournable pour éliminer totalement les mouches. « Dans les années 70, un précédent programme avait démarré alors que seulement la moitié des zones infestées avaient été recensées. Cette tentative s’est soldée par un échec,  » explique Jérémy Bouyer, vétérinaire entomologiste au Cirad actuellement en poste à l’AIEA et qui travaille sur ce projet depuis 2007. Les méthodes développées par les chercheurs de l’Isra et du Cirad ont permis d’importants progrès comme la réduction des coûts d’échantillonnage de plus de 90 %.

La technique de l’insecte stérile

Le projet a pris en compte des études socio-économiques et des enquêtes sur les troupeaux pour élaborer la stratégie d’élimination. Sur ces bases solides, la phase opérationnelle du programme a pu démarrer en 2012. La mise en place de pièges insecticides et de traitements des bovins a permis de réduire la population de glossines, puis des lâchers de mâles stérilisés par une technique d’irradiation ont éliminé les dernières mouches sauvages. Les pupes (stade nymphal chez la mouche) irradiées proviennent de l’Insectarium de Bobo-Dioulasso et du Centre International de recherche-développement sur l’élevage en zone subhumide (Cirdes, Bobo Dioulasso, Burkina Faso). Cette technique de l’insecte stérile a fait ses preuves dans la lutte contre de nombreux insectes ravageurs ou vecteurs comme les mouches des fruits. « Au départ du projet, on capturait près de 100 glossines par jour et par pièges dans certains sites, se souvient Jérémy Bouyer, peu avant juillet, on en retrouvait une ou deux par mois. Aujourd’hui, c’est zéro !  »

Un gain de 2,8 millions d’euros par an

L’élimination des mouches tsé-tsé permet aux éleveurs de s’affranchir des vaches résistantes à la maladie qui sont peu productives pour élever des races plus performantes. Ce contexte favorable à l’élevage devrait induire une hausse de la production annuelle équivalente à 2,8 millions d’euros, selon les estimations de l’étude d’impact menée en parallèle du projet. Une autre retombée déjà visible est la réduction des surfaces cultivées par les éleveurs, un enjeu important dans un contexte de pression foncière.

Une extension dans le Sine Saloum ?

Fortes du succès de ce programme d’élimination, les autorités sénégalaises envisagent une extension sur une zone de 5000 km2 du Sine Saloum. Dans cette région, le problème posé par les glossines est plus important encore, car les mouches transmettent deux espèces de trypanosomes, dont l’une est bien plus virulente.

Pattec : une campagne d’élimination panafricaine

Ces résultats au Sénégal s’inscrivent dans une vaste campagne d’élimination panafricaine des glossines (Pattec) lancée en 2001 à l’échelle du continent. L’expertise du Cirad avait bénéficié à trois programmes nationaux au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal. « Le Cirad a joué un rôle dans la production de connaissances, dans la formation et le renforcement de capacité, mais aussi en suscitant un partenariat multiacteurs incluant les décideurs politiques, » explique Sylvie Lewicki, directrice régionale du Cirad Afrique de l’Ouest – zone sèche.

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