Intelligence artificielle, Quel impact sur l’Afrique ?

Mise à jour le 17 janvier 2024

L’intelligence artificielle (IA), est une technologie, certes, émergente mais qui a le potentiel de transformer de nombreux secteurs de l’économie, y compris l’agriculture, la santé, l’éducation et les services financiers. Considéré comme le continent le plus jeune et le plus dynamique du monde, l’Afrique est en position de bénéficier de l’IA pour stimuler sa croissance économique. S’il est vrai que l’IA peut contribuer à la création de nouveaux emplois et générer des opportunités économiques grâce à l’amélioration de la productivité et de l’efficacité des entreprises, il n’en demeure pas moins que son adoption est tributaire à de nombreux défis comme le manque de compétences et de ressources nécessaires pour développer et déployer l’IA. L’Afrique peut-elle tirer son épingle du jeu en matière d’IA et rester souveraine face aux géants mondiaux ? Quels problématiques spécifiques peuvent être résolues grâce à l’IA ? Cette technologie peut-elle accélérer la course aux Objectifs de développement durable ? Comment se porte l’écosystème des startups ? Comment les entreprises intègrent-elles l’IA pour de meilleures expériences clients ? Quelles sont les réglementations et stratégies mises en place par les pays ? Du Maroc au Bénin en passant par le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, les journalistes de CIO Mag ont enquêté.

Afrique : maîtriser l’IA ou renoncer à la souveraineté numérique (auteur : Abdelali Adil)

(source : https://cio-mag.com/afrique-maitriser-lia-ou-renoncer-a-la-souverainete-numerique/)

À l’ère de l’IA générative, nul doute que le défi majeur pour les pays africains consiste à maitriser cette technologie disruptive. Il en va de la souveraineté numérique de tout un continent en proie, encore et toujours, à l’appétit des géants mondiaux de la tech.

Au début du mois de novembre 2023, dans la localité de Bletchley Park, à 80 kilomètres au nord-ouest de Londres, s’est tenu le tout premier sommet international sur l’intelligence artificielle. L’événement a réuni responsables politiques, géants de la tech et experts du monde entier, venus discuter des risques, des défis et des opportunités de cette nouvelle technologie disruptive. Ce fut surtout l’occasion pour les pays les plus avancées dans la discipline de définir une ligne de pensée commune afin de superviser l’évolution de l’IA. Ainsi, la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne et une vingtaine de pays ont signé l’accord baptisé « la déclaration de Bletchley », pour un développement « sûr » de cette technologie qui promet de révolutionner l’économie mondiale.

Néanmoins, l’événement a laissé un gout d’inachevé pour d’autres pays, notamment africains, qui ont constatés, une fois de plus, leur absence dans le traitement des sujets les plus important pour l’avenir de l’humanité. Un sentiment sans doute partagé par le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies qui a déclaré « qu’en l’absence d’action immédiate, l’IA exacerberait les inégalités déjà croissantes entre pays ». D’ailleurs, Antonio Guterres n’a pas manqué de rappeler qu’aucun pays africain ne figure aujourd’hui dans le top 50 mondial dans le domaine de l’IA. De ce fait, un cadre de gouvernance international qui soit à la fois juste et équitable est nécessaire pour éviter les incohérences et les lacunes. C’est la logique qui a poussé l’ONU à mettre en place un Conseil consultatif sur l’IA, composé d’experts gouvernementaux, du secteur privé, de la communauté technologique, de la société civile et du monde universitaire, représentants tous les continents du globe. Parmi les 38 experts retenus par l’ONU, figure Seydina Ndiaye, enseignant chercheur à l’Université numérique Cheikh Hamidou KANE, du Sénégal. Aux côtés de cinq autres experts africains, il compte bien représenter la voix de l’Afrique au sein de ce Conseil qui devra produire son rapport final à l’été 2024.

Le risque d’une colonisation par l’IA

« La plus grande menace, c’est la colonisation par l’IA », avertit d’emblée Seydina Ndiaye. L’expert estime, en effet, que les pays africains ont l’obligation de maitriser l’utilisation de l’IA pour maintenir l’espoir de disposer d’une certaine forme de souveraineté numérique, au risque de consommer des solutions imposées par des multinationales. « Dans ce cas-là, nous serons amenés à utiliser des modèles mis au point avec des données non contextuels et qui répondent à des réalités autres que celles de l’Afrique, explique-t-il. Nous serions alors sous le joug des grandes multinationales occidentales qui dominent les infrastructures que nous utilisons. Ces infrastructures vont inclure de plus en plus des systèmes d’information basés sur l’IA, qui pour la plupart, seraient des boites noires dont nous ignorons le fonctionnement. »

La conséquence la plus dévastatrice de ce scénario catastrophe serait, selon notre expert, un pillage généralisé des ressources de l’Afrique. « Le pillage concernerait avant tout nos talents », alerte-t-il. L’Afrique étant un continent de plus en plus jeune, les ressources humaines seraient ainsi formées localement par les multinationales sur leurs propres technologies, avant que ces talents ne soient embauchés pour aller travailler sous d’autres cieux pour ces mêmes multinationales. « Nous devrions craindre également le pillage de nos données », ajoute Seydina Ndiaye. Un pillage qui aurait déjà commencé selon l’expert et qui devrait s’accentuer au cours des prochaines années, « jusqu’au point où nous ne serions plus propriétaires des données que nous produisons. »

Par ailleurs, cette nouvelle forme de colonisation redoutée à laquelle fait référence l’expert onusien pourrait prendre la forme d’expérimentations dangereuses et inédites sur le sol africain. « Ce qui pourrait être encore plus dangereux, c’est que l’avènement de l’IA intervienne dans le contexte de la quatrième révolution industrielle. Nous risquons d’avoir une combinaison des systèmes d’intelligence artificielle avec de la biotechnologie ou de la nanotechnologie. Dans ce cas de figure, l’Afrique risque d’être le lieu choisi pour expérimenter ces technologies, en l’absence de toute règlementation », avertit Seydina Ndiaye.

L’ambition d’une IA Made in Africa

Si aujourd’hui, l’Afrique est considérée comme étant un terrain de jeu et de conquête pour les géants mondiaux du numérique, l’enjeu majeur des années à venir est de promouvoir l’émancipation technologique des pays du continent, en favorisant l’émergence d’acteurs locaux. D’où la nécessité de miser, dès maintenant, sur une intelligence artificielle africaine, à même de répondre au défi de la souveraineté numérique. Néanmoins, l’ambition légitime pourrait se heurter à la dure réalité du niveau de développement de la technologie sur le continent. Autrement dit, l’Afrique a-t-elle les moyens technologiques, financiers et humains de son ambition ?

À cette question, Seydina Ndiaye répond par l’affirmative, tout en distinguant deux approches possibles : « L’investissement pour l’utilisation de l’IA est moins lourd que l’investissement nécessaire pour découvrir de nouvelles approches de l’IA. » Ainsi, l’expert détaille les deux aspects importants de la technologie. Le premier, celui de la recherche pure et dure, consiste à « chercher de nouveaux paradigmes d’IA pour se rapprocher de l’intelligence artificielle générale. » C’est la bataille à laquelle se livre notamment les géants de la discipline, à coups de milliards de dollars d’investissements pour pousser les limites de la technologie. Le deuxième aspect consiste à utiliser les avancées technologiques actuelles dans le domaine de l’IA pour essayer de résoudre des problématiques actuelles. Notre interlocuteur estime que l’Afrique doit se positionner sur ces deux volets, tout en favorisant le deuxième, à savoir utiliser le plein potentiel de l’IA dans sa forme actuelle, afin de résoudre les problèmes du continent. « Sur ce volet, l’Afrique est prête, insiste Seydina Ndiaye. Les jeunes maitrisent de plus en plus la technologie. Il suffit que les gouvernants et les personnes en charge des projets structurants s’orientent vers l’IA pour que les jeunes africains puissent développer les solutions, d’autant plus que nous constatons un foisonnement de formations sur le continent et une appétence particulière des jeunes pour l’IA. Dans un futur très proche, nous atteindrons une masse critique de gens talentueux qui pourraient mettre en œuvre des solutions adaptées aux besoins du continent. »

Dans le domaine de l’intelligence artificielle, la R&D vise avant tout à explorer les nouveaux paradigmes de la technologie. Une approche qui nécessite d’énormes puissances de calcul et d’importantes capacités de stockage. De ce fait, les investissements nécessaires pourraient être assez lourds à supporter pour certains pays africains. Néanmoins, la contrainte financière ne devrait en aucun cas freiner l’ambition légitime de l’Afrique dans ce domaine. Citant l’exemple du Maroc qui détient actuellement le supercalculateur public le plus puissant du continent, Seydina Ndiaye estime que d’autres pays du continent devraient suivre la stratégie du royaume afin de profiter du plein potentiel de la technologie.

Investir dans le capital humain 

Si les investissements dans les infrastructures numériques sont nécessaires au développement d’une technologie IA propre à l’Afrique, cet effort doit être accompagné par un rehaussement du niveau de formation des futurs talents. Sur ce point, des progrès considérables ont été réalisés au cours des dernières années, comme en témoigne Seydina Ndiaye. « Il y a quatre ou cinq ans, on pouvait déplorer la rareté des formations en intelligence artificielle, mais aujourd’hui, des formations de qualité sont proposées dans plusieurs pays du continent », atteste-t-il. L’expert cite en exemple la formation « African Masters of Machine Intelligence », fondée par Moustapha Cissé, professeur d’apprentissage automatique et responsable du centre Google AI à Accra, au Ghana. « Un master de très haute qualité impliquant des enseignants de renom et qui a permis de former des centaines de jeunes Africains », selon notre interlocuteur, qui ne manque pas de préciser l’apparition de formation similaires dans d’autres pays du continent, notamment en Egypte et en Afrique du Sud.

Cela étant dit, le risque majeur qui menace le développement des écosystèmes africain reste la sempiternelle problématique de la fuite des cerveaux. « Quand nos jeunes sont formés, il est primordial pour eux de s’investir dans des projets importants pour emmagasiner de l’expérience. Cela les conduit forcément à quitter le continent pour des carrières à l’international, constate Seydina Ndiaye. C’est aux pays africains de mettre en place des projets structurants pour inciter ces jeunes à développer des solutions IA dans leurs pays d’origines. » D’ailleurs, cette vision stratégique s’aligne parfaitement avec les besoins réelles et immédiats de plusieurs pays du continent. Le but étant de résoudre les problématiques qui plombent le développement de l’Afrique, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la santé et de l’éducation.

Intelligence artificielle : la volonté politique prend forme sur le continent (auteur : Mamadou Diop)

L’intelligence artificielle prend de plus en plus d’ampleur en Afrique. En plus des programmes privés, les États commencent à mettre en place des stratégies de développement un peu partout en Afrique.

Si les initiatives pour l’adoption de l’intelligence artificielle sont de plus en plus nombreuses, elles sont pour la plupart portées par le secteur privé. Entre créativité, écoles de formation, l’IA est de plus en adoptée. Une montée en puissance qui devrait être dopée par les initiatives publiques. Aujourd’hui, plusieurs pays ont mis en place des stratégies nationales de développement de l’intelligence artificielle.

Le Sénégal a lancé en septembre 2023, une stratégie nationale de l’intelligence artificielle. D’après Mandiaye Ndao, d’Expertise France, cheville ouvrière du projet, la stratégie vise à créer un terreau intellectuel propice à l’innovation et à amorcer une nouvelle dynamique entrepreneuriale ainsi qu’une solidarité régionale, en collaboration étroite avec l’écosystème lA et dans la continuité du processus d’intelligence collective qui a permis son élaboration. « Elle sera agile et itérative, à l’image de l’innovation numérique. Au Sénégal, l’IA sera tournée vers le bien commun, utile à tous, responsable, éthique et digne de confiance. Elle sera un catalyseur de l’émergence du Sénégal », a-t-il indiqué.

Un rapport d’Oxford Insights a suivi l’évolution de 180 pays, classés en termes de degré de préparation pour accélérer l’adoption de l’IA dans leurs Nations depuis 2017. Le document indique que Maurice est le premier pays à représenter le continent africain dans le classement, au 57e rang, suivi de l’Égypte à la 65e place, puis de l’Afrique du Sud à la 68e place et de la Tunisie en 70e position. L’Égypte, classée 111e en 2019, a réalisé de grands progrès en moins de trois ans.

Mouvement d’ensemble

Stratégiste en Intelligence artificielle appliquée pour des grands groupes internationaux, Lobna Karoui est auteur de l’étude. Selon elle, il y a un mouvement d’Intelligence Artificielle généralisé en Afrique. « Je constate qu’il n’est pas tâche facile d’unifier 54 pays africains à travers une seule stratégie IA. Ils ont des spécificités variées et des défis différents. Certains ont su instaurer des piliers avec des forces de leaderships visionnaires », a-t-elle analysé.

Elle souligne que plusieurs pays ont commencé à travailler sur l’IA, sans avoir tous défini des stratégies d’IA. Mais pour elle, ce n’est pas le plus important. L’Afrique a plutôt besoin de généraliser l’adoption de l’IA en développant le capital humain avec une main-d’œuvre technologiquement qualifiée et des talents en IA, en investissant sur l’infrastructure nécessaire au développement local de l’IA. Cependant, elle estime que l’Afrique ne devra pas baisser sa garde contre toute possibilité de néocolonialisme à travers les solutions et les produits intelligents développés par l’Occident.

Le Maroc s’allie avec l’Unesco

Une des locomotives de la transformation digitale en Afrique, le Maroc, a entrepris des mesures pour exploiter pleinement son potentiel. C’est ce qui l’a poussé  à s’aligner sur la recommandation de l’UNESCO. Il bénéficie à ce titre d’un accompagnement structurel via le Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration dans le cadre du projet « Exploiter le pouvoir de l’IA pour promouvoir l’égalité des chances dans le monde numérique », pour mettre en œuvre la recommandation et développer une vision nationale de l’IA dans des cadres stratégiques. D’après le Ministre de la Transition numérique et de la Réforme de l’Administration, le Dr. Ghita Mezzour, toutes les parties prenantes sont impliquées pour voir comment faire pour en tirer profit. Les autorités estiment qu’il est important d’ériger l’IA en priorité nationale dans le chantier de la transformation digitale du pays, eu égard de son importance capitale, aux plans stratégique et économique et aux réponses qu’elle apporterait aux besoins différenciés des citoyens.

Autre pays en avance sur le domaine, le Bénin, qui, après des investissements colossaux dans le numérique, a mis en place une stratégie de développement de l’intelligence artificielle et des mégadonnées, d’un montant prévisionnel de quatre milliards six cent quatre-vingts millions Fcfa, sur une période de cinq ans. « La mise en œuvre de cette stratégie offre l’opportunité d’exploiter l’IA dans les domaines cibles de développement afin de positionner le pays comme un acteur majeur de l’IA en Afrique de l’Ouest », indiquent les autorités.

IA et Big Data : comment s’adapter aux technologies émergentes ? (auteur : Michaël Tchokpodo)

L’intelligence artificielle (IA) et le Big Data sont deux technologiques convergentes qui, au-delà de devenir les disruptions numériques les plus importantes à partir de cette année, vont bouleverser le court de la vie dans tous les secteurs. Entre avantages et dangers, l’humain devra trouver le mécanisme d’en tirer le meilleur parti.

Les grandes tendances technologiques de 2024 les annoncent comme des technologies en passe d’évoluer encore plus rapidement qu’Internet et les technologies de la communication mobile. L’IA et le Big Data connaissent des croissances exponentielles dont la rencontre permettra à chacune d’elles, de se développer de façon fulgurante.

L’IA porte sur un ensemble de théories et de techniques d’imitation de l’intelligence humaine. Lesquelles sont basées sur la création et l’application d’algorithmes exécutés dans un environnement informatique dynamique. Elle utilise des ordinateurs et des machines pour reproduire la capacité de résolution de problèmes et de prise de décision de l’être humain. Mais le Big Data désigne l’analyse de données massives collectées par des entreprises ou des industries, afin d’en extraire des informations précieuses.

Si l’IA a vu le jour en 1950 grâce à l’article d’Alan Turing intitulé « Computing Machinery and Intelligence », le terme Big Data n’est apparu pour la première fois qu’en 1997, dans un article publié par deux chercheurs de la NASA : Michael Cox et David Ellsworth.

Convergence de l’IA et du Big Data

Historiquement, « les technologies de l’IA et du Big Data ont convergé grâce à l’apprentissage supervisé qui a donné des résultats impressionnants dans le computer vision. Cela a commencé en 2012 lors de la compétition Imagnet où les algorithmes du Deep Learning ont surpassé les autres algorithmes comme les SVM ou autres », rappelle Bouchentouf Toumi, professeur à l’Université Mohammed Premier au Maroc (UMP).

En effet, précise Noël Tossou, consultant en Ingénierie du Big Data : « la convergence entre l’IA et le Big Data repose sur l’utilisation conjointe de vastes ensembles de données pour alimenter et améliorer les systèmes d’intelligence artificielle. Les technologies de Big Data fournissent l’infrastructure nécessaire pour collecter, stocker et traiter de grandes quantités de données provenant de diverses sources. Ces données sont ensuite utilisées par les systèmes d’IA pour entraîner des algorithmes et améliorer leur précision et leur performance. »

La convergence de ces deux technologies est relative au traitement de données massives, l’analyse prédictive avancée, l’automatisation des processus et la personnalisation des expériences utilisateur. « L’IA et le Big Data transforment profondément la manière dont les entreprises opèrent et la façon dont les individus interagissent avec les services. Cependant, il est important de gérer de manière éthique et responsable les données et les applications de l’IA pour minimiser les risques potentiels », renchérit Igor Hounzandji, Directeur scientifique à l’Agence francophone de l’intelligence artificielle (AFRIA), qui cite la santé, l’éducation, la finance, l’industrie manufacturière, le transport, le commerce électronique, la sécurité et les ressources humaines ; comme les secteurs d’impacts majeurs de l’IA et du Big Data.

Le plus grand danger…

En juin 2016, OpenAI a publié des recherches sur les modèles génératifs, annonçant l’avenir de ChatGPT, un outil de génération de texte basé sur l’IA réputé le plus célèbre du moment. Il aide à rédiger des articles, des réponses à des questions ou des messages. Malgré les risques que représente cette avancée technologique à en croire certains experts, le 6 novembre 2023, à l’occasion l’OpenAI DevDay, le géant de l’IA a lancé une version surpuissante de l’outil pour permettre à tout le monde de tirer avantage de cette intelligence artificielle.

La plupart des grandes entreprises de la high-tech ont toutes leur IA. C’est le cas de Google qui a récemment dévoilé Gemini, une avancée significative dans l’IA générative, sur le point de devenir l’épine dorsale de divers services et produits Google. Gemini est le dernier modèle de langage à grande échelle (LLM), développé par Google DeepMind et Google Cloud. Il surpasse son prédécesseur, PaLM 2, en obtenant un score de plus de 90% sur le benchmark MMLU (Massive Multitask Language Understanding), qui évalue la compréhension dans un large éventail de sujets. Ce modèle se distingue par son adaptabilité, capable de fonctionner à la fois sur le cloud et les appareils mobiles, et sa multimodalité, comprenant des entrées de texte, d’images, d’audio et de vidéo.

De la même façon que ces avancées technologiques sont fulgurantes, les dangers qu’elles induisent ou représentent sont énormes. « Les systèmes d’IA peuvent être vulnérables aux attaques malveillantes, et il est crucial de mettre en place des normes éthiques pour guider le développement et l’utilisation de ces technologies. De même, la collecte et l’analyse massives de données peuvent entraîner des atteintes à la vie privée si elles ne sont pas correctement gérées, notamment avec le risque de profilage excessif », fait savoir Igor Hounzandji.

« Nous commençons à le voir venir les biais algorithmiques : les systèmes d’IA peuvent refléter des préjugés dans les données. Le plus grand danger réside dans le fait que la finance mondiale est actuellement complétement gérée par des systèmes IA d’une part, et d’autre part, la responsabilité de la génération et l’utilisation et la sécurité des données utilisées ou générées par les systèmes d’IA. En effet, le risque est qu’il y ait une fracture entre les pays et les entreprises qui possèdent et gèrent ses systèmes IA et ceux qui ne vont que les consommer », prévient professeur Bouchentouf Toumi.

« […] nous aurons encore besoin de développeurs »

Au-delà des risques, nul ne réfute l’utilité de l’IA et du Big Data, notamment dans l’automatisation des tâches répétitives, la prise de décision assistée, les avancées médicales (avec le robot Rosa par exemple) et l’automatisation industrielle.

A cet effet, les êtres humains et les entreprises doivent s’y adapter, mais selon plusieurs facteurs. La connaissance est un aspect important, à en croire Igor Hounzandji qui parle de la « formation, de l’éducation et de la compréhension des technologies. En effet, les individus doivent acquérir des compétences nouvelles et mettre à jour leurs connaissances pour rester pertinents. Les programmes de formation continus et l’éducation formelle seront essentiels. Une connaissance approfondie des concepts liés à l’IA et au Big Data est nécessaire pour une utilisation efficace et éthique de ces technologies. »

Professeur Bouchentouf Toumi fait la part des choses. Pour lui, les humains doivent s’adapter à l’utilisation des systèmes IA en matière de connaissance en considérant ces systèmes comme des outils et non comme des références absolues de la connaissance. Car, dit-il, les IA générative souffrent de ce que l’on appelle les hallucinations. En matière d’usage, il faut qu’il y ait une culture du prompt sur comment poser les questions à un système IA et comment l’utiliser. Et en termes de continuité d’activités humaines, il faut que ces systèmes IA soient au service de l’homme et non l’inverse et donc doivent être utilisés en tant qu’aide à la prise de décision.

Il reste tout de même réaliste : « la place de l’humain sera très difficile à remplacer, si nous prenons par exemple un domaine que nous connaissons très bien et qui est le développement d’application donc le code. Avec les IA génératives, ce sera très difficile de remplacer un développeur informatique. En effet, pour poser une question à une IA générative pour qu’elle puisse générer du code, il faut avoir des connaissances sur le code correspondant. Oui ! Elle va augmenter la qualité du code, oui nous pourrons coder plus vite mais nous aurons encore besoin de développeurs. »

Parlant des risques, Noël Tossou, estime qu’« il est essentiel de développer une culture de gestion des risques liés à ces technologies. Cela implique d’identifier les vulnérabilités potentielles, d’anticiper les conséquences indésirables et de mettre en place des stratégies pour atténuer ces risques, que ce soit par des régulations gouvernementales ou des mesures internes au sein des organisations. »

Entre utilités et risques, l’utilisation de l’IA et du Big Data doit recourir à des règles d’éthique qui tiennent compte de l’humanité, en mettant l’humain au-dessus de toutes créations artificielles.

Expérience client : l’IA accroche de nombreuses entreprises (Anselme AKEKO)

Partout, l’IA séduit nombre d’entreprises en quête d’un moyen plus efficace de gérer leur relation client. Si cette technologie permet, entre autres, de traiter un volume considérable de demandes, de prédire les comportements des clients ou d’offrir une expérience de conversation plus naturelle et fluide, c’est l’innovation et la productivité qu’elle apporte qui suscitent l’intérêt des décideurs. 

Lors du premier Sommet international sur l’avenir de l’intelligence artificielle (Future of AI), organisé par le Financial Times, du 15 au 16 novembre dernier à Londres, Carsten Bernhard, directeur de la technologie d’eDreams ODIGEO, plateforme mondiale d’abonnements de voyage en ligne et du e-commerce, a été invité à monter sur scène pour partager des perspectives sur l’intégration de l’IA dans les opérations commerciales. A cette occasion, il a souligné que les plateformes de l’entreprise (eDreams, Opodo, GO Voyages et Travellink), sont alimentées par une technologie de pointe à base d’IA. Cette technologie traite plus de 2 milliards de recherches mensuelles d’utilisateurs, transformant les offres étendues du marché mondial du voyage, y compris d’innombrables combinaisons avec 700 compagnies aériennes, en propositions ciblées et personnalisées conçues pour chaque client individuel : « Il est impossible pour un être humain de traiter un tel volume d’informations. Nous devons trouver des moyens de traduire efficacement cette masse de données en options de voyage ciblées et pertinentes pour les consommateurs. Le seul moyen d’y parvenir est l’IA », a déclaré le CTO.

Bernhard a révélé qu’au cours des dix dernières années, la plateforme de voyage a amélioré l’expérience de ses clients en déployant l’IA dans l’ensemble de l’entreprise. Selon lui, elle a utilisé des modèles d’IA exclusifs pour divers cas d’enrichissement des données. Il s’agit notamment d’élaborer des itinéraires et des propositions personnalisés pour ses 5,2 millions d’abonnés Prime : « Grâce à l’IA, nous sommes en mesure de personnaliser à grande échelle et de proposer des itinéraires ciblés à nos abonnés – en fonction de leurs préférences, de leur budget et de leur calendrier – ce qui contribue à alimenter la croissance de notre plateforme d’abonnements de voyage. »

Assistant intelligent 

Spécialiste de l’expérience client et collaborateur, intervenant auprès des métiers de la finance, de la santé, des services publics aux entreprises et des associations / fondations, le cabinet Twelve Consulting n’était pas présent à cette conférence phare sur l’avenir de l’IA. Mais il a dévoilé, début décembre 2023, un assistant intelligent nommé Twelve GPT. Entièrement exploité par les technologies Microsoft et OpenAI, cet assistant se veut le compagnon numérique au quotidien du Twelveur, pour l’aider et l’assister dans ses tâches du quotidien avec un objectif simple : dégager du temps pour délivrer la promesse de Twelve (penser plus large / faire autrement) et créer toujours plus de valeur pour les clients. Ce qui permet aux utilisateurs de gagner en efficacité en accédant plus rapidement à des informations internes.

Pour Pierre Rognion, Pioneering Generative AI Manager Twelve Consulting, l’avènement des agents intelligents à base d’IA est une révolution dans le domaine de la technologie d’entreprise. Ils ne sont pas seulement des outils, mais des partenaires stratégiques qui amplifient l’intelligence humaine, accélèrent la prise de décision et ouvrent la voie à une ère de productivité et d’innovation sans précédent.

Assets IA

Sujet excitant de la transformation digitale qui s’opère ces dernières années et s’accélère depuis l’épidémie du coronavirus, l’IA s’implémente aujourd’hui dans un nombre varié et croissant d’industries et de secteurs d’activités. Elle s’applique à un vaste éventail de domaines, notamment l’expérience client. Comme plusieurs grandes entreprises mondiales, le Groupe Orange n’échappe pas à cette évolution technologique majeure.

« Nous faisons en effet face à une demande grandissante et concomitamment à un volume exponentiel de contacts client. Le conseiller client augmenté devient donc une nécessité pour répondre à cette demande croissante, et l’humain a ainsi besoin d’être accompagné dans son activité par l’automatisation de tâches, nous permettant de concentrer nos objectifs sur des missions à forte valeur ajoutée pour les clients et pour l’entreprise », déclarait à Cio Mag, Fanta Sidibé, directrice de l’expérience client chez Orange Côte d’Ivoire.

Selon elle, Orange Côte d’Ivoire a démarré l’implémentation de l’IA avec le lancement d’un robot conversationnel (Djingo) d’une part, et avec un investissement humain et financier dans le machine learning, d’autre part. « Nous travaillons essentiellement au développement de use cases tels que la prédiction NPS (anticiper sur nos détracteurs et nos neutres), le customer satisfaction index pour l’approfondissement de notre connaissance client ou encore le sentiment analysis qui nous permet d’apprécier la perception de la marque au travers des communautés présentes sur les réseaux sociaux. »

Parmi ses assets, Orange Côte d’Ivoire compte également le développement des RPA (Robotic process automation), pendant complémentaire à l’IA, qui améliore son efficacité opérationnelle, en minimisant les risques d’erreurs.

Levier de performance et d’innovation formidable pour les organisations de tout genre, l’exploitation de l’IA offre d’immenses possibilités. Facilitation des opérations de voyage, génération de leads commerciaux qualifiés, amélioration de la connaisse des clients, synthétisation des informations textuelles ou encore automatisation des tâches ne sont que quelques-unes de ses potentialités… Dans le cadre du développement continu de Cynoia, startup tunisienne spécialisée dans la collaboration d’affaires, une dimension clé de cette solution est l’intégration d’une composante d’intelligence artificielle, spécifiquement un système de recommandation. « Ce système est conçu pour résoudre un problème crucial dans la gestion de projet : sélectionner efficacement les collaborateurs les mieux adaptés pour des tâches spécifiques », explique Nassreddine Riahi, CEO & Co-founder de Cynoia.

En utilisant des algorithmes avancés, ce système analyse les compétences, les expériences passées et les performances des membres de l’équipe, proposant au scrum master ou au product owner des recommandations basées sur des données. Selon Nassreddine Riahi, cette approche algorithmique garantit que les recommandations sont objectives, pertinentes et adaptées aux besoins uniques de chaque projet. En améliorant la précision de ces affectations, ce système de recommandation vise à optimiser la productivité de l’équipe et l’efficacité de la gestion de projet, renforçant ainsi la valeur ajoutée de Cynoia dans l’écosystème des solutions de collaboration d’entreprise.

Ainsi, l’adoption réussie de solutions d’IA va au-delà de la simple mise en œuvre technique. En tous lieux, l’IA permet de faciliter la vie aux clients et de faire des investissements intelligents. Toutefois, sa capacité extraordinaire à aider les entreprises à tendre vers l’excellence opérationnelle, important levier de rentabilité et de satisfaction individuelle pour le client, engage les dirigeants d’entreprise, décideurs politiques et experts en IA sur un autre front : celui de la régulation. Certes, l’IA connait un essor fulgurant. Mais les nouveaux cas d’usage dévoilés par les principales entreprises d’IA comme OpenAI font émerger de nombreux questionnements en termes de sécurité et d’éthique.

Quels cas d’usages potentiels d’utilisation de l’IA en Afrique ? (Michaël Tchokpodo)

L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) en Afrique offre de nombreuses opportunités pour les entreprises, qu’elles soient du secteur privé ou public. En général, ces cas d’usage s’orientent vers l’amélioration de leur efficacité opérationnelle, leur prise de décision et leur compétitivité. Voici quelques cas potentiels d’utilisation de l’IA, avec l’exemple d’un pays, le Bénin.

  1. Automatisation des processus métier : L’IA peut être utilisée pour automatiser des tâches répétitives et chronophages, libérant ainsi le personnel pour des activités à plus forte valeur ajoutée.
  2. Analyse prédictive pour la gestion des stocks : L’IA peut analyser les données historiques et en temps réel pour prédire les tendances de demande, optimisant ainsi les niveaux de stock et réduisant les coûts d’inventaire (entreprises de service, logistique, commerciales).
  3. Service client amélioré : Les chatbots et les agents virtuels basés sur l’IA peuvent être déployés pour répondre aux requêtes des clients en temps réel, améliorant ainsi l’expérience client (entreprises de service).
  4. Analyse des données clients : L’IA peut aider à analyser de grandes quantités de données clients pour identifier des modèles, personnaliser les offres et améliorer la rétention client (entreprises de service).
  5. Prédiction de la maintenance des équipements : En utilisant l’analyse prédictive, l’IA peut anticiper les pannes d’équipements, permettant une maintenance proactive et minimisant les temps d’arrêt (entreprises de service, logistique, transport, etc).
  6. Recrutement et gestion des ressources humaines : L’IA peut faciliter le processus de recrutement en triant et en analysant les CV, en identifiant les candidats appropriés, et en automatisant certaines tâches de gestion des ressources humaines.
  7. Cybersécurité : L’IA peut renforcer la sécurité des données en détectant les anomalies, en identifiant les menaces potentielles et en renforçant les systèmes de défense contre les cyberattaques (toutes entreprises).
  8. Optimisation de la chaîne d’approvisionnement : L’IA peut être utilisée pour optimiser la planification logistique, améliorer la visibilité de la chaîne d’approvisionnement et réduire les coûts opérationnels (toutes entreprises logistiques, commerciales).
  9. Analyse financière et prévision : L’IA peut analyser les données financières, prédire les tendances du marché, évaluer les risques et soutenir la prise de décision financière (toutes entreprises).
  10. Personnalisation du marketing : L’IA peut analyser le comportement des clients pour fournir des recommandations personnalisées, adapter les campagnes publicitaires et maximiser l’impact marketing (entreprises de marketing digital).
  11. Formation et développement des employés : L’IA peut être utilisée pour fournir des programmes de formation personnalisés, évaluer les compétences des employés et soutenir le développement professionnel (toutes entreprises gérant des ressources humaines).
  12. Commerce électronique : L’IA peut améliorer l’expérience utilisateur, recommander des produits, optimiser la logistique et l’inventaire, contribuant ainsi à stimuler le commerce en ligne.
  13. Traduction automatique et traitement du langage naturel : Ces applications peuvent faciliter la communication entre des groupes linguistiquement diversifiés et améliorer l’accès à l’information en ligne.
  14. Smart Cities : L’IA peut aider à optimiser la gestion des transports, la distribution d’énergie, la collecte des déchets et d’autres services urbains, contribuant ainsi à la création de villes plus durables et intelligentes.
  15. Agriculture intelligente : L’IA peut être utilisée pour la surveillance des cultures, la prévision des rendements, la détection des maladies et la gestion efficace des ressources agricoles, contribuant ainsi à accroître la productivité agricole (entreprises de l’agrobusiness).
  16. Santé : L’IA peut être employée pour le diagnostic médical, la prédiction des épidémies, la gestion des dossiers médicaux électroniques et la fourniture de soins de santé à distance, ce qui est particulièrement utile dans les régions éloignées ou mal desservies (secteur de la santé et du gouvernement).
  17. Services financiers : L’IA peut améliorer la sécurité des transactions financières, détecter la fraude, évaluer le risque de crédit et fournir des services bancaires en ligne plus efficaces (banques, entreprises financières).

L’adoption réussie de l’IA dans les entreprises au Benin et africaines nécessite une infrastructure technologique robuste, une gestion efficace des données, des compétences techniques et une sensibilisation aux enjeux éthiques liés à l’utilisation de cette technologie. Les entreprises peuvent commencer par des projets pilotes avant d’étendre progressivement l’application de l’IA à différentes fonctions.

Le Club DSI du Benin, qui compte parmi ses membres des spécialistes de l’IA, peut servir de creuset pour la réflexion sur les concepts et projets d’adoption de l’IA. Néanmoins, des contraintes financières, organisationnelles et de niveau de maturité dans l’adoption de l’IA, peuvent mettre ces initiatives en danger et méritent d’être adressées.

Écosystème : comment les startups misent-elles sur l’IA pour résoudre les défis en Afrique ? (Camille Dubruelh)

L’intelligence artificielle est l’une des forces motrices de la révolution technologique mondiale. Bien qu’encore en retard comparé au reste du monde, le continent africain voit de plus en plus de startups se saisir de cette technologie pour proposer des produits et services innovants, dans de nombreux secteurs. Grâce à l’IA, ces jeunes pousses tentent d’adresser les défis propres à l’Afrique et ainsi stimuler le développement et la croissance du continent. 

« L’IA peut nous faire gagner 1 point de PIB par an. ». C’est ce qu’a déclaré l’économiste en chef de la célèbre banque d’investissement Goldman Sachs dans une interview en juin 2023. Les startups africaines l’ont bien compris et sont nombreuses aujourd’hui à intégrer cette technologie dans leurs applications. Certaines connaissent d’ailleurs un succès international, à l’instar d’InstaDeep, une start-up tunisienne spécialisée dans la conception de systèmes d’IA décisionnelle, créée par Karim Beguir et Zohra Slim. Son rachat par le géant allemand BioNTech en 2023 montre l’engouement suscité par l’IA et dont les startups africaines peuvent bénéficier.

D’autant que l’écosystème des startups en Afrique a connu une croissance significative au cours de la dernière décennie, en attirant de plus en plus d’investissements. Le record, en 2022, s’est élevé à 6,5 milliards de dollars en 2022 selon Partech, en croissance de 8 % par rapport à 2021. Même si, dans le prolongement de la tendance mondiale, les levées de fonds des startups africaines ont chuté de 54% durant le premier semestre 2023, par rapport à la même période de l’année précédente, selon un rapport du cabinet de recherche Magnitt. Si les analyses des investissements par secteur ne permettent pas de dégager des chiffres spécifiques pour les startups de l’IA, la technologie étant transverse, une certitude, de plus en plus, une attention particulière lui est portée, et au plus haut niveau.

Preuve de cet engouement, l’implication des géants technologiques mondiaux dans ce domaine, sur le continent africain. Google a par exemple lancé en 2023 un programme spécial en Afrique : Google for Startups Accelerator : AI First. Pour cette première cohorte, les start-ups originaires de l’Afrique du Sud (Avalon Health), du Ghana (Chatbots Africa), du Sénégal (Lengo AI), de l’Ouganda (Logistify AI), de l’Ethiopie (Telliscopen, Garri Logistics), du Kenya (Dial Afrika Inc, Fastagger Inc) et du Nigeria (Famasi Africa, Izifin, Vzy), ont été choisies parmi un large vivier de talents innovants, qui proposent des solutions aux problèmes mondiaux grâce à l’usage de l’intelligence artificielle. Elles bénéficieront, entre autres, d’un parcours d’accélération, d’une allocation de 350 000 dollars en crédits Google Cloud et de sessions de mentorat. « Les start-ups que nous avons choisies pour le programme “AI First” incarnent cette vision, en tirant parti de l’IA de manière innovante pour relever les défis locaux et mondiaux », avait déclaré Folarin Aiyegbusi, responsable de l’écosystème de startups pour l’Afrique chez Google. Autre exemple, le programme FAST Accelerator, un accélérateur de startups lancé par Flapmax, entreprise américaine spécialisée dans les technologies de données et d’IA fondée par Dave Ojika, en partenariat avec Microsoft, se consacre au soutien et au financement d’une génération nouvelle d’innovateurs africains. Les secteurs d’activité qu’il cible tout particulièrement sont ceux où l’intelligence artificielle apporte une valeur ajoutée notable.

Aujourd’hui, les grandes entreprises internationales comme les entrepreneurs africains ont reconnu le potentiel transformateur de l’IA sur le continent, et ce, dans divers domaines tels que la santé, l’agriculture, l’éducation, la finance ou encore la vie d’entreprise.

L’IA pour améliorer la productivité agricole

Améliorer la productivité agricole, surveiller les conditions météorologiques, prédire les rendements des cultures et optimiser l’utilisation des ressources, l’agriculture bénéficie largement des prouesses technologiques, dont l’IA. Celles-ci peuvent contribuer à renforcer la sécurité alimentaire et à stimuler le développement rural. A ce titre, la startup franco-tunisienne Seabex, fondée par Amira Cheniour, utilise notamment l’IA pour permettre une meilleure irrigation des terres. Cette startup agritech propose des solutions sans capteurs aux producteurs agricoles d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique, en combinant des données sur les sols à l’échelle mondiale, des informations détaillées sur les cultures, des analyses climatiques et une synthèse de données avancée pour les secteurs agroalimentaires. Autre entreprise innovante du domaine, la Sénégalaise Tolbi, qui a développé plusieurs applications pouvant aider les agriculteurs dans leur prise de décisions. Elle permet de surveiller les plantations en temps réel grâce à un outil basé sur l’IA et l’imagerie satellite pour estimer et prédire les rendements, calculer les besoins en intrants (engrais, semences) et anticiper les risques liés aux aléas climatiques.

Dans le domaine de l’environnement et de l’agritech, l’IA se révèle particulièrement précieuse et attire les investissements internationaux. Ainsi, la startup Kenyane Amini, qui s’efforce de combler le manque de données environnementales en Afrique grâce à l’intelligence artificielle et à la technologie satellitaire, a tout récemment obtenu un financement d’amorçage de 4 millions de dollars.

La santé bénéficie de la technologie

Autre domaine clé pour lequel les nouvelles technologies peuvent avoir un puissant impact, celui de la santé. Là encore, l’intelligence artificielle peut permettre des avancées significatives. Des startups africaines exploitent l’IA pour résoudre les défis persistants liés à l’accès aux soins de qualité. Des applications sont développées pour aider au diagnostic précoce de maladies, fournir des conseils médicaux en ligne et améliorer la gestion des dossiers médicaux. Ces technologies permettent de combler les lacunes en matière de soins de santé dans des régions éloignées et sous-développées. La startup marocaine Deepecho, spécialisée dans le diagnostic prénatal, développe par exemple une solution utilisant des algorithmes de Deep Learning haute performance, afin de contribuer à l’atteinte de l’Objectif de développement durable portant sur la réduction des taux de mortalité infantile.

D’autres initiatives fleurissent dans divers secteurs, comme l’éducation, où l’IA peut permettre de créer des plateformes d’apprentissage personnalisées, utilisant des algorithmes pour adapter le contenu aux besoins spécifiques des élèves. L’objectif étant de permettre une meilleure inclusion des apprenants, notamment ceux vivant dans les zones enclavées. La finance bénéficie également de ces avancées technologiques. Des startups développent des solutions de paiement numérique intelligent, de vérification d’identité et d’évaluation du crédit basées sur l’IA. Là encore, l’objectif est de favoriser l’inclusion financière des populations du continent.

Le domaine de l’entreprise n’est  pas en reste. La startup malienne EWAATI s’est saisie de cette opportunité, et veut apporter une touche d’intelligence artificielle et de robotique « pour transformer le quotidien des entreprises privées, institutions et services publics en Afrique ». « Nous avons conçu un système de reconnaissance faciale qui agit comme un assistant personnel qui ne dort jamais, au service des gestionnaires des ressources humaines. Il assure la productivité et la ponctualité sans être intrusif. Un outil qui fait sourire les chefs d’entreprise en voyant des rapports de performance détaillés qui se préparent tout seuls, comme par magie », explique son fondateur, Fousseyni Dembélé.

S’adresser aux Africains

L’intelligence artificielle aide à développer des applications visant à répondre aux problématiques spécifiques à l’Afrique. Des solutions se développent, notamment autour des langues locales, pour permettre à l’ensemble des populations de profiter de la révolution technologique. La startup française ToumAI, cofondée par Youcef Rahmani, a ainsi créé un voicebot pour les PME, qui fonctionne comme un centre de contact en tant que service, permettant aux PME de gérer de manière automatisée leur relation client. Cette solution innovante est capable de répondre aux interrogations des clients, que ce soit oralement ou par écrit, et ce, dans diverses langues africaines locales. « L’objectif ultime de ToumAI est de rendre le monde numérique plus inclusif, en s’assurant que chaque voix, quelle que soit sa langue ou son origine, soit entendue et valorisée. En ciblant spécifiquement les PME, nous visons à démocratiser l’accès aux technologies avancées, permettant ainsi aux entreprises de toutes tailles de participer pleinement à la transformation numérique de l’Afrique. Notre technologie ne se limite pas à la compréhension des langues, mais vise à analyser les émotions, les contextes et les sentiments sous-jacents, offrant aux entreprises une vue à 360 degrés de leurs parties prenantes », explique l’entreprise.

De son côté, la startup togolaise Makifaa, cofondée par Charles Dzadu, se veut la première plateforme de ventes d’images, d’illustrations et de modèles graphiques typiquement africains pour la mise en valeur du patrimoine culturel africain. La startup vient de lancer un nouveau service pour créer des images artificielles qui correspondent mieux aux réalités africaines, éviter ainsi les clichés sur le continent et combler ainsi le vide laissé par les principales plateformes de création d’images virtuelles lorsqu’il s’agit de l’Afrique. C’est d’ailleurs pour cette raison que Makifaa a été choisie par Cio Mag pour illustrer l’ensemble de ce dossier sur l’intelligence artificielle.

Un moteur d’innovation

Bien que le paysage des startups en IA en Afrique soit prometteur, les défis ne manquent pas. Le financement limité, l’environnement réglementaire, le manque d’infrastructures technologiques robustes et la nécessité de former une main-d’œuvre spécialisée restent des obstacles de taille, avant que les startups africaines de l’IA puissent réellement éclore et concurrencer celles des autres continents. Mais ces défis sont loin de dissuader les entrepreneurs africains déterminés, qui continuent à chercher des solutions novatrices et à forger des partenariats stratégiques.

« L’IA est un moteur puissant pour le développement et l’innovation. Elle n’est qu’aux premiers stades de son développement en Afrique, mais offre des opportunités sans précédent pour résoudre des problèmes complexes et transformer divers secteurs », assure Fousseyni Dembélé. « L’IA est très prometteuse pour les entreprises africaines. Elle peut les aider à accroître leur efficacité et leur productivité, à mieux comprendre leurs clients et à cibler plus efficacement leurs efforts de marketing. Il me parait essentiel qu’avec les bonnes politiques et les bons investissements, l’IA contribuera à transformer l’Afrique en une puissance technologique mondiale », assure encore l’entrepreneur, avant de conclure : « L’IA représente un levier économique important pour les pays africains. Les gouvernements doivent lancer des stratégies, des politiques, des programmes éducatifs, des programmes de recherche, des formations et des initiatives autour de l’IA pour accompagner l’innovation via des startups. ».

Encadré : le startup Act pour favoriser le développement de l’IA 

L’adoption du Startup Act par un nombre croissant de pays africains est un signe encourageant pour le développement de l’IA en Afrique. Cette loi offre aux startups les ressources et l’appui dont elles ont besoin pour réussir et contribuer au développement du continent. Depuis 2018, quelques pays avant-gardistes ont adopté la loi pour accorder des avantages fiscaux, des subventions et un accès à des infrastructures et des services aux startups qualifiées.  C’est le cas de l’Afrique du Sud (2018), du Kénya (2019), du Nigeria, du Sénégal (2020), de l’Égypte (2021), du Maroc (2022), de la Tunisie (2022), du Rwanda, de l’Ouganda, de la Mauritanie et de la Côte d’Ivoire (2023). L’adoption et la mise en place progressive de cette loi devraient permettre la valorisation des innovations et la création d’un effet d’entrainement considérable pour accompagner le développement des écosystèmes locaux. 

La formation en IA, le défi de l’Afrique (Mamadou Diop)

Dans l’univers du digital, l’intelligence artificielle s’est frayé une place qui ne cesse de s’élargir. Dans cette nouvelle configuration, la formation des ressources humaines semble capitale. Les pays semblent l’avoir compris. Les initiatives, même si elles sont encore balbutiantes, présagent de belles perspectives.

« La technologie évolue et il faut s’adapter. Il faut renforcer la formation dans les métiers du numérique ». Cette analyse du Professeur Moussa Lo, Recteur de l’université numérique Cheich Hamidou Kane du Sénégal, en dit beaucoup sur les profondes mutations apportées par l’intelligence artificielle dans le domaine du numérique. En perpétuelle évolution, le numérique a fini de prouver qu’il n’avait pas encore fini de révolutionner la vie humaine, l’environnement professionnel et bien plus. Et tout porte à croire que nous sommes au début des mutations. L’IA a, selon le Professeur, montré qu’on ne peut pas prévoir les métiers de demain. « Certains vont disparaître bientôt. Mais il y’en a beaucoup d’autres qui vont naître », prédit-il. D’où l’importance, selon lui, d’accorder beaucoup d’énergie à la formation des ressources humaines. « Il faut anticiper, pour ne pas être largué », dit-il.

Dénicheur et créateur de pépites, Chams Diagne, CEO de Talents2Africa, estime pour sa part que la percée surprenante de l’IA a montré un aperçu de ce que le numérique peut apporter comme chamboulement dans les habitudes. Et que des connaissances spécifiques sont requises. Pour s’adapter à cette nouvelle donne, M. Diagne appelle lui aussi à miser sur la formation. « Le numérique doit être aussi service de l’humain. L’homme doit prendre le contrepied de la technologie pour l’utiliser à bon escient. Aujourd’hui, la technologie, l’intelligence artificielle en particulier, a montré qu’il ne s’agit plus seulement de diplôme. Il faut constamment se former. Celui qui ne se forme plus stagne. Il y a une course permanente pour se mettre à jour », analyse-t-il.

L’expert estime que l’IA est en train d’apporter des mutations dans tous les secteurs d’activité. C’est pourquoi il est convaincu de la nécessité de faire en sorte que les automatismes se créent et que les jeunes puissent se former en permanence. « L’apprentissage est devenu accessible à tous. Il faut juste mettre en forme et centrer les besoins sur les connaissances. C’est à la portée de tous. Même celui qui n’a pas un niveau d’études supérieures a la possibilité de former », a-t-il plaidé.

«  L’IA va profondément transformer le monde du travail  »

Les impacts sont réels, les perspectives méconnues. Mais ce qui est constant et que plusieurs spécialistes partagent : la compréhension et la maîtrise de l’IA deviennent cruciales pour une participation éclairée dans le monde contemporain. C’est la conviction de Nicolas Poussielgue, fondateur du Dakar Institute of Technology, une des premières écoles à former en intelligence artificielle. Selon lui, l’avènement de ChatGPT a suscité un certain appétit du côté des jeunes. Aujourd’hui, soutient M. Poussielgue, les jeunes souhaitent de plus en plus se former dans le domaine de l’intelligence artificielle. « Même parmi les informaticiens déjà en poste, on observe un désir croissant de se perfectionner dans le domaine de l’IA, afin de saisir les opportunités émergentes. C’est inéluctable. En parallèle, on constate l’émergence de nombreuses startups axées sur l’IA sur le continent africain, ce qui témoigne de l’engouement croissant pour cette technologie », a-t-il ajouté. Il se dit persuadé que cette place de plus en plus grande, notamment chez les jeunes, permettra de créer des solutions intelligentes pour les défis locaux et mondiaux.

Rester pertinent sur le marché du travail

Où va s’arrêter l’intelligence artificielle ? Nul ne peut y apporter une réponse claire. Mais ce qui est sûr, selon Tafsir Sall, ingénieur informatique, il est risqué de fermer les yeux sur la révolution qui s’opère et s’impose à tous. « Si vous vous rappelez bien, ceux qui ne savaient pas utiliser un ordinateur et qui restaient fidèles à leur machine à écrire se sont retrouvés à la retraite. C’est la même chose qui est en train de se passer avec l’intelligence artificielle. Aujourd’hui pour garder ses chances dans le marché de l’emploi, il est essentiel de s’adapter et de comprendre comment fonctionne l’IA. Plutôt que de craindre qu’elle nous remplace, nous devons chercher à utiliser l’IA comme un outil qui peut nous aider à travailler plus efficacement et à résoudre des problèmes complexes », a-t-il indiqué. Poursuivant son analyse, il explique que les avantages sont tellement nombreux que tous finiront par l’adopter.

Pourtant, dans les instituts et écoles de formation où des enseignements informatiques sont dispensés, la formation sur l’IA reste encore théorique ou faible. Pour Mounir Cissé, membre de l’organisation des professionnels des Tic au Sénégal, les autorités doivent tout faire pour mette en place un cadre qui prennent en compte les enjeux de l’heure. Pour lui, prendre en compte dans la formation, l’intelligence artificielle peut contribuer à réduire l’écart entre les pays développés et les autres.

« Il faut intégrer la formation dès les niveaux inférieurs. Avant d’arriver à l’université, l’apprenant doit avoir maîtrisé toutes les notions de base. Peu importe le domaine de spécialisation, l’intelligence artificielle ne peut être qu’un atout », a-t-il admis.

Aujourd’hui la donne est claire, il faut s’adapter. De toute façon, indique Ibrahim Nour Eddine Diagne, CEO de GAINDE 2000, ceux qui ne le feront pas, se verront imposer les conséquences. « La formation doit occuper une place de choix dans cette dynamique », a-t-il indiqué.  Même si les pays africains sont encore derrière dans la mise en place d’offres de formation adéquates et adaptées aux nouveaux enjeux, une prise de conscience réelle est en train de s’opérer.

Des initiatives commencent à germer

Même si l’intelligence artificielle est un concept encore nouveau, les acteurs ont commencé à mettre en place des outils pour disposer d’une main d’œuvre de qualité. C’est le cas au Sénégal, pays africain plutôt avancé dans le domaine. En plus de l’école supérieure Polytechnique et l’Université de Thiès, qui ont créé des masters dédiés à l’IA, d’autres initiatives privées ont vu le jour. C’est le cas de Dakar Institute of Technology, de Galsen AI, qui regroupe des acteurs du privé.

Au Maroc, ce ne sont pas moins de 11 masters qui sont disponibles, délivrés par les plus grandes universités. Au Rwanda, la première promotion du Master en intelligence artificielle a démarré ses apprentissages en 2018, faisant du pays un des précurseurs dans le continent. Et le mouvement sur le continent ne fait que commencer.

L’intelligence artificielle au service d’un avenir durable en Afrique (Basma Zamani)

L’avènement de l’intelligence artificielle a profondément transformé notre monde, ouvrant la voie à des nouvelles opportunités pour résoudre certains des défis les plus pressants de notre époque. Au cœur de ces enjeux cruciaux, le développement durable se positionne en première ligne et constitue l’un des domaines où l’IA joue un rôle essentiel. Cette alliance offre un potentiel considérable pour concevoir des solutions novatrices, intelligentes et durables, contribuant ainsi à façonner un avenir où prospérité et préservation de la planète vont de pair. 

Dans cette optique, Amal El Fallah Seghrouchni, présidente exécutive de AI Movement, le Centre International d’Intelligence Artificielle du Maroc, et d’autres experts, partagent leur point de vue éclairé sur la manière dont l’IA peut être un catalyseur pour le développement durable en Afrique.

L’acculturation au développement durable grâce à l’IA

Selon l’experte, « l’IA peut jouer un rôle de catalyseur pour 80% de l’ensemble des objectifs de développement durable (ODD), principalement grâce à une amélioration technologique qui peut permettre de surmonter certaines limites actuelles. Cela inclut la lutte contre la pauvreté et la faim, la promotion de l’éducation de qualité, le développement des villes apprenantes, la facilitation de l’accès à une énergie propre et abordable, ainsi que la promotion de la consommation et de production responsables, entre autres. »

« Au niveau de l’éducation par exemple, l’IA a le potentiel d’apporter des améliorations ou des transformations bénéfiques à l’ensemble des acteurs du systèmes éducatifs, permettant ainsi une acculturation au développement durable », ajoute-elle.

Investir dans l’éducation pour une transition réussie

Amal Seghrouchni souligne également les avantages économiques associés à l’intégration de l’intelligence artificielle dans le domaine du développement durable. Pour elle, « l’IA peut optimiser les processus éducatifs, faciliter l’enseignement généralisé, s’étendre facilement à l’échelle, introduire de la flexibilité et permettre la personnalisation. Ces améliorations entraînent des économies significatives, rendant le développement durable économiquement viable ».

Ainsi, pour concrétiser cette vision, l’experte suggère la mise en place de programmes de formation axés sur les mathématiques, la logique, le codage et les fondamentaux de l’intelligence artificielle. « Il est nécessaire de renforcer les compétences du personnel enseignant et administratif pour les guider efficacement dans cette révolution technologique. Une telle initiative favorisera la progression significative dans des domaines cruciaux tels que le développement durable », insiste-t-elle.

Progrès technologique et responsabilité durable

Dans cette trajectoire future, l’accent doit dépasser la simple intégration technologique. « Pour atteindre un équilibre entre les progrès de l’IA et les objectifs de développement durable, des cadres réglementaires sont indispensables, destinées à examiner et à orienter le développement ainsi que la mise en œuvre de l’IA dans le domaine éducatif. Le financement devrait être dirigé exclusivement vers des programmes qui abordent activement ces préoccupations, assurant une approche responsable et éthique », indique-t-elle.

« L’avenir de l’interaction entre l’IA et le développement durable exige une approche consciente. En intégrant des considérations éthiques dans le développement de l’IA dans l’éducation, nous pouvons exploiter son pouvoir transformateur tout en assurant une coexistence harmonieuse avec les principes des ODD », conclut-elle.

L’IA au service de l’environnement

Dans une récente tribune rédigée par Julie Kae, vice-présidente du développement durable et directrice exécutive de Qlik.org, elle  souligne que « l’IA a un rôle essentiel à jouer afin d’identifier et d’accompagner les projets de développement durable grâce à l’analyse prédictive, à l’agrégation de données et à la collaboration ».

En examinant la crise mondiale comme exemple concret, l’experte avance que « l’analyse de données alimentée par l’IA pourrait permettre de mieux gérer la ressource, de prédire les pénuries et de fournir des indications sur les adaptations nécessaires pour y faire face ».

Selon les recherches de Capgemini Research Institute, l’IA pourrait contribuer à une diminution de 16 % des émissions de gaz à effet de serre au cours des cinq prochaines années. Par ailleurs, une étude conjointe menée par PwC et Microsoft affirme que l’IA pourrait contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 1,6 % à 2,2 % d’ici 2030 dans le secteur de l’énergie, par rapport à un scénario de référence.

Défis et opportunités

Julie Kae indique, dans sa tribune, que « l’accès limité aux données et le manque de partage restent des obstacles majeurs pour accomplir des progrès significatifs en matière de développement durable à l’échelle internationale ».

Elle constate que « les entreprises et les gouvernements restreignent l’accès à des ensembles de données essentiels qui, s’ils étaient rendus disponibles, pourraient contribuer à fournir des conclusions qui permettraient de protéger des vies ou des récoltes ».

Elle préconise ainsi une démocratisation élargie des données, visant à développer des modèles plus pertinents et à encourager le partage anonymisé. Selon Julie, cette approche est indispensable pour mobiliser toutes les ressources nécessaires en vue de guider l’action collective.

Julie insiste également sur la nécessité de favoriser une intelligence collaborative, où chaque individu apporte sa créativité, son leadership et son esprit d’équipe pour progresser. Elle souligne en outre l’importance d’avoir les capacités technologiques adéquates en termes de capacité et d’évolutivité pour mettre en œuvre cette vision.

L’IA, un catalyseur du développement du système de santé en Afrique (Enock Bulonza)

Dans les pays à faible revenu, le système de santé reste encore vulnérable. Comment l’Intelligence artificielle peut-elle révolutionner le secteur en Afrique ? Quelles sont ses opportunités et les risques dans le domaine de la santé ? Coup de projecteur ! 

« L’intelligence artificielle (IA) est un ensemble de technologies et de procédés utilisés pour compléter les attributs humains usuels comme l’intelligence, la capacité d’analyse et d’autres aptitudes. Elle recouvre un ensemble de technologies très différentes, que l’on peut définir et grouper et généralement comme des systèmes d’apprentissage automatique adaptatifs. » Cette définition de l’intelligence artificielle proposée par l’Union internationale des télécommunications (UIT) donne un aperçu général sur ce domaine en plein essor.

Dans le domaine de la santé, les possibilités sont immenses. Déjà en 2020 dans le rapport « Reimagining global health through artificial intelligence : the roadmap to AI maturity », Microsoft et la fondation Novartis soutenaient que l’adoption des solutions d’intelligence artificielle par les Etats à faible revenu apporterait un appui non négligeable au système de santé. Sur le continent, le système sanitaire est de plus en plus vulnérable. Il est confronté à plusieurs défis, parmi lesquels le faible taux de personnel de santé et la recrudescence des épidémies.

En effet, selon l’Organisation mondiale de la santé, « 37 pays du continent sont confrontés à des pénuries de personnel de santé ». Cette étude intitulée « Le statut du personnel de santé dans la Région africaine de l’OMS : conclusions d’une étude transversale », publiée en 2022 dans la revue British medical journal global health, montre que « le ratio dans la Région est de 1,55 professionnel de la santé (médecins, infirmiers et sages-femmes) pour 1000 personnes dans 47 pays africains. » Par ailleurs, en 2021, l’OMS a rapporté 118 épidémies sur l’ensemble du continent.

IA et soins de santé 

De nos jours, l’intelligence artificielle (IA) s’applique à plusieurs domaines de la vie courante. D’emblée, elle est considérée comme « la porte d’entrée dans la médicine performante », selon le Dr Rajae Ghanimi, médecin spécialiste en médecine du travail et doctorante en IA appliquée à la santé à l’Université Ibn Tofail au Maroc. L’experte montre que l’adoption de l’intelligence artificielle peut permettre de « transcender les frontières médicales de l’anatomo-pathologique, du diagnostic médical et de l’interprétation radiologique. »

La scientifique, qui mène ses recherches dans l’implémentation de cet ensemble de technologies dans les urgences d’intoxications, soutient que « L’IA pourrait offrir des opportunités pour élargir l’accès aux soins et réduire la disparité entre les milieux urbains et ruraux. »  Cette possibilité s’appuie, entre autres, « sur sa capacité d’optimisation du temps de diagnostic et de réduction de la charge de morbidité des maladies », précise-t-elle.

Pour sa part, I’ingénieur Marcel Shabani, diplômé d’un Master en intelligence artificielle et machine learning de la SRH Berlin University of Applied sciences (Allemagne) rapporte que l’IA « a un impact très significatif dans la surveillance des signaux vitaux des patients admis en soins intensifs et dans la prévention de certaines maladies ». Ce jeune chercheur cite le cas de l’adoption de l’IA dans l’imagerie médicale pour mieux comprendre les problèmes d’un patient. « Les algorithmes de l’intelligence artificielle peuvent bien identifier les anomalies et segmenter plusieurs organes du corps humains », note-t-il.

Toujours dans le soin de santé, l’IA est très performante « dans l’analyse des grandes quantités de données médicales et l’identification des schémas de tendances médicales », constate le Dr Obed Lebobo, médecin burundais exerçant au Nyarugenge District Hospital au Rwanda. Ce professionnel de santé ajoute que l’adoption de l’IA permet de « personnaliser le traitement en fonction des caractéristiques d’un patient. » En outre, l’intelligence artificielle peut aussi palier au faible taux des professionnels de santé, si les autorités fournissent d’énormes efforts pour mettre « en place une bonne politique de télémédecine, avec à la clé, la consultation à distance et les applications qui guident les patients », ajoute-t-il.

Des risques à prendre en compte

L’adoption de l’IA dans le système de santé nourrit aussi des craintes sur le plan éthique et réglementaire. « Le déploiement des technologies de l’IA nécessite la collecte et l’utilisation des masses de données (Big data) », explique Marcel Shabani. Pour le Dr Ghanimi, généralement « la notion de consentement » est biaisée dans la protection des données à caractère personnel. Elle explique son point de vue par le fait que, « dans la plupart des cas, l’utilisateur est appelé à cocher de manière aveugle, avec certaines informations très techniques. » Le Dr Lebobo exprime pour sa part une crainte liée « à la fuite des données confidentielles des patients. »

Mais que faire face à ces craintes ? Le Dr Ghanimi propose une redéfinition « des notions de consentement libre et éclairé lié à la confidentialité et à la vie privée des personnes ». Pour plus de sécurité dans les hôpitaux, « il serait mieux d’utiliser l’intranet, avec un réseau central privé à l’hôpital », propose le Dr Obed. Il met en évidence également « le développement des solutions basées sur l’IA en tenant compte des valeurs morales et éthiques de nos sociétés ». Une proposition soutenue par Marcel Shabani. « Une séance de formation et de sensibilisation du personnel soignant appelé à utiliser l’IA doit être organisée en amont », dit-il.

Des prérequis nécessaires

Si l’enthousiasme autour de l’IA pour la révolution du secteur de la santé en Afrique est bien là, la réussite de son adoption demande « d’importants préalables »selon Marcel Shabani. Ce jeune chercheur évoque notamment la connectivité et la formation. Pour lui, « tout doit commencer par la réduction de la fracture numérique, l’introduction des cours à caractère informatique dans le cursus scolaire dès l’école primaire et la formation continue en informatique. » Dans certains pays comme le Rwanda, le processus d’intégration de l’intelligence artificielle et de la technologie de pointe dans son système éducatif à tous les degrés a été accéléré pour faciliter l’adaptation des jeunes aux nouvelles tendances technologiques. Le Dr Lebobo renchérit par une approche qui consiste à « développer un partenariat entre les géants de la tech (Google, Microsoft, etc) et les universités du continent pour une bonne formation en IA. »

Par ailleurs, d’autres prérequis sont importants. Pour le Dr Obed Lebobo, la réussite de l’adoption de l’IA passe aussi par « la digitalisation du système de santé ». Le Dr Ghanimi parle de « la disponibilité des serveurs et la souveraineté numérique » du continent. La chercheuse rappelle que « l’Afrique compte seulement 3 ℅ des data centers mondiaux ». Un faible pourcentage si l’on considère l’adoption d’une telle technologie. Le Dr Ghanimi recommande aux gouvernements africains « d’adopter un cadre éthique et réglementaire solide ». Mais pas que. Elle plaide également pour « la réingénierie de la formation médicale, le financement des applications et l’encouragement des prestataires de santé à se doter du matériel de l’IA ». Des recommandations qui pourront aider les pays africains à réussir le pari de l’adoption de l’IA dans le système de santé.

Éthique et IA : quels défis pour l’Afrique ? (Souleyman Tobias)

L’année 2023 a marqué un tournant décisif dans le développement de l’intelligence artificielle (IA), tout en exacerbant la peur d’une éventuelle perte de contrôle de l’humain sur ses propres inventions. La question de l’éthique dans l’IA est ainsi revenue au cœur des préoccupations, à tel point qu’en mars 2023, des milliers de personnalités du monde du numérique ont signé une pétition pour freiner la course que venait de lancer OpenAI avec la version 4 de ChatGPT. La problématique de l’éthique dans l’innovation numérique n’est cependant pas nouvelle. Elle renvoie fondamentalement à la responsabilité et à la conscience humaine, à ses choix en toute connaissance de cause. C’est donc sur cette réalité qu’il faudra désormais insister pour espérer rassurer et contenir d’éventuelles dérives.

Avec les dernières évolutions de l’intelligence artificielle (IA), la peur de l’inconnu s’est accentuée. La puissance des calculateurs, leur capacité à traiter des données en masse et la facilité croissante à entraîner les algorithmes suscitent des interrogations sur la maîtrise de l’Homme. En signant la pétition de mars 2023 pour demander un moratoire sur le développement de l’IA, les initiateurs ont voulu attirer l’attention sur les éventuelles dérives. Les signataires de cette pétition exigeaient la mise en place de “protocoles de sécurité pour la conception et le développement avancés d’IA”.  Aussi, ont-ils proposé “l’audit d’experts indépendants et externes aux laboratoires des entreprises porteuses des projets”. En Europe, l’année 2023 s’est achevée avec l’adoption de l’AI Act, un règlement pour cadrer le développement de l’intelligence artificielle. Ce qui amène à se demander où en est le continent africain, supposé être la nouvelle terre d’innovations numériques.

Un continent pas complètement désarmé 

Professeure en éthique de l’IA à l’Université Mohammed Ier au Maroc, Saida Belouali est experte principale pour l’exercice “Readiness assessment methodology” (RAM) de l’Unesco au Maroc, dans le cadre d’un diagnostic 360° d’évaluation de l’état de préparation du pays à l’IA. L’universitaire confie qu’ « aujourd’hui en Afrique, les pays ne disposent pas d’une loi dédiée spécifiquement à l’encadrement de l’IA et que les obligations à ce sujet relèveraient de réglementations diverses. Des législations peuvent s’appliquer à l’IA, spécifiquement celles qui couvrent le spectre des droits humains. » En attendant une “AI Act africaine”, la professeure Saida Belouali assure que « les cyberlois, en l’occurrence et tout particulièrement, les lois relatives à la protection des données à caractère personnel, sont utiles et peuvent répondre à des situations en lien avec l’IA en attendant de disposer d’un cadre global dédié à l’IA, si les pays le souhaitent. »

Selon l’universitaire marocaine, le continent n’ignore pas le débat sur l’éthique dans l’IA. C’est pourquoi le Maroc et le Sénégal faisaient partie des quatre pays pilotes au monde pour la mise en œuvre de la Recommandation de l’Unesco sur l’éthique de l’IA. Et, « sur le continent, nous noterons que des pays ont adhéré à la Recommandation sur l’éthique de l’IA de l’UNESCO, qui est un cadre normatif holistique ancré sur 10 principes couvrant les droits fondamentaux. La Recommandation permet aux pays de gouverner l’IA en déclinant les principes dans des champs d’actions divers », souligne la professeure Saida Belouali, également co-fondatrice de la “Maison de l’intelligence artificielle” à l’Université Mohammed Ier.

La gouvernance de l’IA, c’est aussi ce à quoi appelle Amal El Fallah-Seghrouchni, présidente exécutive d’AI Movement, le Centre international d’intelligence artificielle du Maroc, à l’Université Mohammed VI Polytechnique. Au micro  de Bruno Faure dans l’émission “Eco d’ici Eco d’ailleurs” du 30 décembre 2023 sur Rfi, cette pionnière de l’IA en Afrique a fait observer « qu’il y a eu à peu près 117 initiatives dans le monde sur l’éthique. » La professeure Amal El Fallah-Seghrouchni estime « qu’il ne s’agit donc pas d’avoir une éthique chacun. L’objectif, c’est de trouver un consensus général et global sur les meilleures pratiques de l’usage de l’intelligence artificielle. »  Membre de la Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies de l’Unesco (COMEST), Madame El Fallah-Seghrouchni invite à pousser plus loin la réflexion. « Pour permettre une IA responsable, je préfère parler de gouvernance responsable. Cela inclut l’éthique qui apporte un certain nombre de principes et la régulation », a-t-elle déclaré sur Rfi. Invitant à appliquer l’exemple du Règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD) sur l’IA (le traitement des données, les algorithmes et le déploiement de l’IA), elle recommande à l’Afrique de se pencher sur la question, même si son souhait est d’avoir un cadre normatif mondial. Car, aujourd’hui, « en matière de législations, nous avons l’AI Act de l’Europe qui vient d’être adopté en décembre 2023. La présidence des États Unis a publié un décret pour l’encadrement et l’évaluation de l’IA et le sommet de Bletchley a opté pour une approche collective en matière de gestion des risques liés à ces technologies. La Chine possède sa loi pour l’encadrement de l’IA et le Canada utilise un Code de conduite », rappelle sa compatriote, professeure Saida Belouali.

Enjeux de l’éthique dans l’IA

Jérôme Ribeiro, président-fondateur d’Human AI, estime pour sa part que « l’éthique représente le défi de l’avenir de l’humanité dans le domaine de l’IA. » « Nous devons veiller à ce que nos technologies progressent dans le respect de la dignité, de l’équité et de l’autonomie individuelles, éléments qui doivent rester au cœur de toutes nos avancées », recommande-t-il. Très actif sur le continent pour la vulgarisation de l’intelligence artificielle à travers son organisation Human AI, le Vice-président d’Honneur du Cluster Digital Africa (CDA) pense que « humaniser l’IA pour les innovations africaines est une priorité et appelle à s’engager à adopter une approche de conception qui place l’humain au centre, en respectant la diversité culturelle et les besoins spécifiques de l’Afrique. » Il donne l’exemple des projets d’IA développés par Human AI qui « intègrent les valeurs éthiques et les normes sociales, pour qu’ils résonnent avec les aspirations des communautés locales. »

« Pour que l’innovation en IA demeure ‘’responsable’’, il est important que soit respecté un ensemble de principes tout le long du cycle de vie du système intelligent comme le recommandent plusieurs entités et organisations », appuie l’experte en éthique de l’IA, Saida Belouali. Et Jérôme Ribeiro d’ajouter qu’ « il est indispensable de mettre en œuvre des politiques réglementaires robustes, d’établir des standards éthiques universels, et de promouvoir l’éducation et la sensibilisation. » « La transparence et la responsabilisation doivent être des piliers de tout développement en IA, tout comme la collaboration interdisciplinaire doit être encouragée pour enrichir la réflexion éthique » ajoute-t-il. Sur ce point, la professeure Amal El Fallah-Seghrouchni rappelle que la conférence de l’Unesco sur l’éthique en 2022 est une prouesse. Car « elle a réussi à faire adopter un texte par 193 Etats membres. Tout le monde a accepté ce dénominateur commun. » Mais elle rappelle que ce texte a été adopté avant l’IA générative, une occasion d’attirer l’attention sur le caractère évolutif de ce que devrait être l’éthique de l’IA. C’est pourquoi elle insistait d’ailleurs sur la définition de principes généraux. Car, comme le souligne si bien la professeure Saida Belouali « l’encadrement législatif ne peut pas généralement adopter le rythme de technologies dites “disruptives” et le temps de la légifération n’est pas celui de l’essor technologique. Pour être pertinente, la régulation doit toujours être à la vitesse adéquate. »

Pour et par l’humain

Dans cette course effrénée vers le développement de l’intelligence artificielle, tout repose sur l’humain. Le débat sur l’éthique tire toute sa raison d’être dans la nécessité de « protéger le droit des individus », comme le confie la professeure en éthique de l’IA à l’Université Mohammed I au Maroc, Saida Belouali. « Au-delà des scénarios apocalyptiques, les technologies intelligentes présentent des menaces réelles sur les emplois, sur les droits fondamentaux et les libertés individuelles. L’IA est certes un facteur inestimable pour la compétitivité élargissant l’horizon des possibilités économiques et sociétales, mais elle peut également être à l’origine de pratiques intrusives et discriminatoires qui nécessitent des restrictions strictes » soutient-elle. C’est pour cette raison que Human AI de Jérôme Ribeiro insiste sur « des formations dédiées à la démystification et à la sensibilisation à l’IA dans le but de placer l’éthique au cœur de son approche ; en cultivant une compréhension approfondie de cette technologie, pour que les individus puissent la maîtriser et en tirer avantage, plutôt que d’en devenir les victimes.» Il s’agit de permettre à l’humain de disposer « de connaissances nécessaires pour naviguer dans cette nouvelle ère avec confiance et compétence. »

Saida Belouali préconise la vigilance éthique et légale pour un écosystème de l’IA, car « les encadrements quels que soient leurs natures, permettent de déterminer les responsabilités et permettent en effet, de remettre l’humain au cœur des innovations.» Pour cette universitaire, “IA de confiance”, “innovation responsable” rime avec « des humains qui ont l’obligation morale d’agir de manière responsable et d’inspirer la confiance par leurs choix et comportements. » « Les innovations programmées en IA ou dans d’autres domaines, doivent se conformer aux exigences morales et légales et leurs concepteurs doivent veiller à ne pas porter atteinte aux droits humains et aux libertés individuelles » conclut l’experte en éthique de l’IA.

Inquiétude et non pessimisme

Dans une émission spéciale sur l’IA sur Radio Canada le 8 décembre 2023, plusieurs experts se sont refusés à imaginer l’intelligence artificielle prendre le dessus sur l’humain. Mais comme l’a souligné l’un des experts, « le génie est déjà sorti de la bouteille », pour dire que la révolution est en marche, tout en appelant à prendre conscience de la responsabilité de l’humain pour en faire un outil bénéfique plutôt qu’un instrument de destruction des valeurs humaines. Ceci dit, l’on est en droit d’être inquiet mais pas pessimiste. Comme le disait Yann LeCunn, scientifique en chef pour l’IA chez Méta, il faut avoir confiance en « la capacité de la société à faire ce qu’il faut pour garantir les effets bénéfiques de l’IA et en minimiser les effets négatifs. » Selon le scientifique de Méta, « l’IA va nous assister dans la vie quotidienne et amplifier globalement notre intelligence, mais ne remplacera pas l’intelligence humaine. »

Pour l’Afrique, ce son d’optimisme nécessite que « les différents pays soient proactifs pour éviter de subir l’IA et que les mutations à venir ne soient pas subies mais choisies », conclut  Saida Belouali, l’experte principale pour l’exercice “Readiness assessment methodology” (RAM) de l’Unesco au Maroc. C’est donc pour cela qu’« il est important de promouvoir une communication transparente sur les capacités réelles de l’IA, ses limites, ainsi que les mesures de sécurité et les cadres éthiques qui sont en place pour réguler son développement », selon Jérôme Ribeiro, président-fondateur de Human AI. Le continent a des ressources pour le mener vers le développement d’une IA responsable et durable. Labélisé Centre de catégorie 2 de l’Unesco, le Centre international d’intelligence artificielle du Maroc, l’AI Movement que dirige la professeure Amal El Fallah-Seghrouchni en est une preuve.


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